Au cœur des enjeux agricoles contemporains, la lutte contre la chenille légionnaire connaît un nouveau tournant au Bénin et les agriculteurs peuvent commencer à souffler. Des universitaires et des chercheurs de l’Institut national de recherches agricoles du Bénin (INRAB) ont innové dans ce sens en développant une technologie qui allie écologie et accessibilité pour transformer les pratiques agricoles en protégeant les cultures.
Au Marché des Innovations et Technologies Agricoles (MITA) 2024, plus de 50 technologies ont été présentés aux 264 participants. Parmi ceux-ci, une innovation béninoise retient l’attention, il s’agit de l’utilisation du savon palmida, pour lutter contre la chenille légionnaire d’automne (CLA), un ravageur principal du maïs. La CLA a fait son apparition au Bénin en 2016 et a causé des pertes significatives de récolte.
Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), « l’incidence de l’attaque a été estimée à 40000 hectares en 2016 pour le maïs, la principale culture vivrière du pays. En 2017, les chenilles sont réapparues dans de nombreux champs ». Face à cette menace, les méthodes traditionnelles de lutte chimique ont montré leurs limites.
« La méthode de lutte développée par les producteurs est généralement basée sur la lutte chimique à base de produits de synthèse. Ces produits sont toxiques à l’environnement et à la santé humaine. Les chercheurs de INRAB et ceux de l’Université d’Abomey-Calavi, à travers le projet Spodoben, ont initié des tests avec des solutions savonneuses de palmida pour lutter contre ce ravageur », a déclaré Dr Sharif Boukari, chercheur au laboratoire d’appui à la défense des cultures de l’INRAB. La technologie est basée sur l’utilisation d’un pain de palmida dans 20 litres d’eau.
Une solution écologique et économique
La technologie développée repose sur l’utilisation de savon palmida, un produit accessible au Bénin, car le pain de savon coute environ 200 à 250 francs CFA sur les étalages. En diluant un pain de palmida dans 20 litres d’eau, on obtient une solution concentrée à 0,5 % du savon. « Les résultats au laboratoire ont montré que la dose léthal est autour de 0,3 %. Des tests ont montré que la concentration de 0,5 % est efficiente pour gérer correctement cette chenille », a ajouté Dr Boukari. Les chercheurs ont par exemple pris des chenilles qu’ils ont trempées dans la solution savonneuse et 30 secondes après, les ravageuses sont mortes.
Cette méthode est non seulement écologique, mais également plus économique que les insecticides chimiques. « Il faut 15 pains de palmida pour 300 litres d’eau. 15 pains de palmida peuvent gérer 1 hectare. Un pain vaut 200 francs. 15 pains font environ 3 000 francs par rapport aux insecticides chimiques qui coûtent entre 5 000 et 15 000 francs », a ajouté le docteur.
Une solution adoptée par les producteurs
Depuis sa découverte, cette innovation a suscité un vif intérêt parmi les producteurs. Les démonstrations sur le terrain ont révélé des résultats impressionnants : des centaines de producteurs ont déjà intégré cette méthode dans leurs pratiques agricoles, « Certains ont même testé ça dans leur culture devant nous et on a vu tout de suite les chenilles sortir des plantes et mourir », a confié Boukari Sharif.
C’est une technologie que le Parc de technologies et d’innovations dans le cadre du projet TASPRO et du projet FSRP au Bénin a adopté. Dr Alice Djinadou Kodoura, coordonnatrice dudit parc, chercheur à l’INRAB, a expliqué que près de 1000 producteurs ont déjà été formés dans le nord et le sud du pays sur cette technologie. « La semaine [du 14 au 20 octobre 2024, Ndlr], il y a eu 50 producteurs qui sont allés dans le parc pour être formés sur cette technologie. C’est vraiment une technologie qui est bonne. Elle ne revient pas du tout chère et ne fait aucun mal au maïs», a déclaré la coordonnatrice du parc.
Lors du MITA 2024, cette solution de lutte contre la CLA a émerveillé plus d’un. « Ce qui a retenu mon attention, c’est l’innovation mise au point par le Bénin qui permet de contrôler la chenille légionnaire », a confié Patrice Sewade, représentant du secteur privé au Conseil d’administration du CORAF. Le palmida étant un produit du quotidien béninois, des recherches comparatives seront menées pour déterminer le savon qui répond aux réalités de ces pays. Des formations seront également données à beaucoup d’autres producteurs dans ces pays.
La chercheure à l’INRAB a d’ailleurs souligné l’importance de partager ces innovations. C’est dans ce sens que le parc de technologies, qui abrite une quarantaine d’innovations, permet aux agriculteurs de découvrir et d’adopter des solutions variées, allant des technologies végétales, animales, aquacoles, post-récoltes. À l’avenir, l’INRAB prévoit d’étendre ces parcs à d’autres régions, afin de rendre accessible un large éventail de technologies et de formations.