L’utilisation du phosphate naturel activé constitue une approche économique pour améliorer la fertilité phosphatée des sols. C’est ce qui ressort d’un webinaire organisé le jeudi 11 juillet 2024 par le projet Feed the Future EnGRAIS, mis en œuvre par le Centre International de Développement des Engrais (IFDC) et financé par l’USAID. Au cours de ce rendez-vous virtuel, Dr. Ekwe Dossa, directeur de la santé des sols et de la productivité agricole à IFDC, a abordé le thème de l’activation du phosphate naturel pour améliorer l’assimilation du phosphate du sol par les cultures et obtenir de bons rendements agricoles.
La conférence a porté sur l’utilisation du phosphate naturel pour la fabrication locale d’engrais sans activation acide. Cette question est particulièrement cruciale pour l’Afrique de l’Ouest et la zone sahélienne, où la population est en forte croissance alors que la production alimentaire reste insuffisante en raison de facteurs biophysiques et humains, y compris la faible utilisation des engrais.
Plusieurs pays de la région notamment en Afrique de l’Ouest et au Sahel disposent de matières premières comme le phosphate naturel (Burkina Faso, Mali, Niger, Sénégal, Togo) et des ressources énergétiques pour la production d’engrais (Côte d’Ivoire, Ghana, Niger, Nigéria, Sénégal). Cependant, la consommation d’engrais se situe entre 16 et 22 kg par hectare. Ce qui est bien en deçà de l’objectif de 50 kg fixé en 2006 lors des assises d’Abuja au Nigéria. Toutefois, des progrès sont notables avec l’augmentation des unités de production d’engrais et des capacités de production locale, passant de 32 unités en 2018 à 94 en 2024, produisant désormais 15 millions de tonnes d’engrais, a rappelé Dr. Sansan Youl, chef du projet Feed the Future EnGRAIS. Dans son mot de bienvenue, Dr. Youl a insisté sur le fait que les décideurs politiques montrent aujourd’hui un intérêt accru pour les engrais et la santé des sols, comme en témoigne le récent sommet africain tenu à Nairobi, où un plan d’action de 10 ans a été adopté.
Phosphates naturels : une ressource sous-exploitée
Les sols d’Afrique subsaharienne sont essentiellement issus d’un processus d’altération poussé de la roche mère, se traduisant par un lessivage des cations basiques, ce qui leur confère une fertilité initiale faible de même qu’une réaction acide. L’azote et le phosphate sont les éléments majeurs qui limitent le plus la productivité agricole. De plus, les engrais chimiques nécessaires au relèvement de la fertilité des sols sont souvent physiquement et financièrement inaccessibles pour les petits agriculteurs, intensifiant les problèmes de dégradation des sols et de faible productivité agricole.
Tout au long de sa conférence, le Dr Ekwé Dossa a souligné que le phosphate naturel, présent en abondance en Afrique, présente des opportunités pour régler le problème de la déficience phosphatée des sols. Bien que ces phosphates soient généralement moins réactifs que les engrais phosphatés solubles, leur activation peut améliorer leur efficacité agronomique.
L’activation non acidique des phosphates naturels présentée ici implique leur traitement avec un phosphate soluble non calcique comme le phosphate monoammonium (MAP) ou le phosphate diammonium (DAP). Le phosphate naturel (PN) et le phosphate soluble (PS) sont réduits en poudre et mélangés dans les proportions 4 :1 (4 parts de PN et 1 part de PS) et transformés en granules en utilisant l’eau comme liant.
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L’efficacité prometteuse du phosphate activé
Les essais menés au Ghana et au Niger ont donné des résultats prometteurs. Les phosphates activés ont montré une efficacité agronomique relative comparable ou proche de celle des engrais solubles selon la source de PN. Par exemple, les essais sur le maïs et le soja au Ghana, et sur le mil et le niébé au Niger ont montré que l’activation augmentait l’efficacité agronomique des phosphates naturels par rapport à leurs formes non traitées.
La réactivité des phosphates naturels dépend de plusieurs facteurs, entre autres les pratiques agronomiques, la surface d’échange (finesse des particules), le pH du sol, et la disponibilité en eau. Les sols acides favorisent la libération du phosphate complexé par les ions calcium dans les apatites.
Implications et recommandations politiques
L’utilisation de phosphate naturel activé présente une opportunité majeure pour améliorer la fertilité des sols en Afrique subsaharienne de manière durable et économique. Le Dr Dossa a appelé à des mesures politiques pour promouvoir cette approche qui réduirait la dépendance vis-à-vis des engrais chimiques coûteux et améliorer la sécurité alimentaire.
Le webinaire s’est adressé principalement aux professionnels de l’industrie des engrais, aux chercheurs, autorités publiques, étudiants en agronomie et aux agrodealers de produits agricoles.
Le Projet Feed the Future EnGRAIS
Financé par l’USAID pour une période de huit ans, le projet EnGRAIS vise à augmenter la production et à renforcer la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest. En tenant compte des défis régionaux, IFDC et ses partenaires ont identifié quatre axes clés pour atteindre cet objectif stratégique : accroître durablement la disponibilité et l’utilisation d’engrais abordables par les petits exploitants agricoles, avec une attention particulière pour les femmes et les jeunes. Le projet EnGRAIS continue de fournir au secteur privé des informations actualisées sur les options de fabrication et les développements récents dans l’industrie des engrais. Cette initiative s’aligne sur la feuille de route de la CEDEAO relative aux engrais et à la santé des sols, contribuant ainsi à un développement agricole durable en Afrique de l’Ouest.
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