Lomé, la capitale du Togo abrite du 30 au 31 mai 2023 une table ronde sur l’accès aux engrais en Afrique de l’Ouest. Cette rencontre de haut niveau réunit des dirigeants de la région, dont le Bénin, ainsi que des acteurs clés du secteur agricole. Au terme des échanges sortiront une déclaration et une feuille de route communes.
Il y a longtemps qu’elle a été annoncée. La table ronde de Lomé est enfin lancée mardi. Cet éminent rendez-vous constitue un carrefour d’échanges sur la disponibilité et l’accessibilité aux engrais des producteurs ouest-africains et du Sahel. L’initiative émane du chef de l’Etat togolais, Faure Gnassingbé, en collaboration avec la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et la Banque mondiale.
Les travaux devraient aboutir, mercredi, à une déclaration dite « la déclaration de Lomé sur l’engrais ». Ils s’achèveront aussi sur l’adoption d’une feuille de route, laquelle avait été préalablement soumise à l’approbation des différents acteurs des secteurs public et privé et ceux de la société civile concertés à cet effet. Ce document, dont la Cedeao est sur le point de se doter, est censé améliorer l’accès aux engrais et la santé des sols en Afrique de l’Ouest.
A en croire Massandje Toure-Litse, commissaire aux affaires économiques et à l’agriculture de la commission de la Cedeao, les résultats de la table ronde « permettront de stimuler le développement de l’industrie de l’engrais à partir de la transformation locale de phosphate dont regorgent certains de nos pays comme le Burkina Faso, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo ».
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Démêler « la pire crise alimentaire » dans le Sahel
Cette réunion sous régionale intervient, font remarquer les organisateurs, dans un contexte marqué par l’accentuation de la crise alimentaire mondiale et de la faim. Selon Boutheina Guermazi, directrice de l’intégration régionale pour l’Afrique et le Moyen-Orient de la Banque mondiale, l’Afrique de l’ouest ferait actuellement face à « la pire crise alimentaire qu’elle ait connue depuis dix ans ».
Une situation qui résulte entre autres des changements climatiques. Elle est également imputable à la crise de la Covid-19, sécuritaire et économique liée notamment à la guerre en Ukraine. Toutes choses ayant compliqué l’accès aux engrais minéraux et accentué l’insécurité alimentaire.
« Selon une évaluation du Programme alimentaire mondiale (Pam) et de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en avril 2023, la Russie a fourni en 2020 plus de 50% des importations de potasse à la Côte d’Ivoire, au Mali, au Niger, au Sénégal et à la Siéra Léone », rapporte Massandje Toure-Litse.
Mais la survenance de la guerre russo-ukrainienne a engendré, poursuit-elle, un déficit d’engrais d’environ un (1) million et demie de tonne au cours de la même période dans la Cedeao. « Si des mesures appropriées ne sont pas rapidement prises dans la région, ce sont 41.9 millions de personnes qui pourraient se retrouver dans des situations d’insécurité alimentaire entre juin et août 2023 », a déclaré Boutheina Guermazi.
La table ronde de Lomé contribuera sans doute à démêler la crise à travers la définition des actions fortes pour assurer la disponibilité des engrais locaux de qualité et à moindre coût dans l’espace communautaire. Ce qui va permettre aux Etats ouest africains de tendre vers l’objectif de 50 kg d’engrais par hectare. « Nous en sommes actuellement bien loin malheureusement », rappelle Antoine Lékpa Gbégbéni, ministre togolais de l’agriculture, de l’élevage et du développement rural. Pourtant, avance-t-il, « l’utilisation optimale des engrais est essentielle pour développer notre secteur agricole ».
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L’engrais « jusqu’au dernier kilomètre »
En 2022, le Centre international de développement des engrais (Ifdc) a évalué à vingt (20) kg la quantité d’engrais utilisée par hectare en Afrique subsaharienne. Ce qui est « très faible » selon la Cedeao par rapport à la recommandation (50kg) de la déclaration de 2006 d’Abuja. Il faut souligner que la moyenne mondiale est de 146 kilogrammes par hectare.
Ainsi donc, « nous devons renforcer la chaîne d’approvisionnement pour fournir des engrais jusqu’au dernier kilomètre dans les zones les plus reculées, améliorer les infrastructures de stockage, de transport, de distribution pour assurer une distribution équitable et réduire les coûts », a affirmé Boutheina Guermazi. Elle réitère la disponibilité de la Banque mondiale à soutenir la concrétisation des conclusions de la rencontre de Lomé.
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