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Charles Sossa : « la période des 1000 premiers jours est déterminante pour le développement de l’enfant »

Au Bénin, la nutrition des jeunes enfants est un enjeu de santé publique majeur, particulièrement durant les mille premiers jours de la vie, une période déterminante pour le développement physique et intellectuel des enfants. Pour répondre à ce défi, l’Agence Nationale de l’Alimentation et de la Nutrition (ANAN) a lancé, lors du forum national sur la nutrition, un projet ambitieux de supplémentation nutritionnelle destiné à améliorer l’état nutritionnel des enfants de 0 à 2 ans. Dans cet entretien, Charles Sossa, médecin nutritionniste et directeur de la nutrition à l’ANAN, revient sur les objectifs et les enjeux du projet. Il met en lumière l’importance cruciale des mille premiers jours pour le développement de l’enfant.

Agratime : Quel est l’objectif principal du projet de supplémentation nutritionnelle des milles premiers jours ?

Charles Sossa : Le projet de supplémentation nutritionnelle des 1000 premiers jours est une intervention à large échelle qui vise à améliorer l’état nutritionnel des enfants de 0 à 2 ans. Et ceci à travers trois objectifs spécifiques. Il s’agit de fournir des suppléments nutritionnels aux femmes enceintes et allaitantes, de fournir des suppléments aux enfants de 6 à 23 mois et enfin de prendre en charge les enfants qui sont malnutris dans les communautés à travers une approche qu’on appelle des foyers d’apprentissage et de réhabilitation nutritionnelle.

Pourquoi la période des mille premiers jours est-elle cruciale pour le développement de l’enfant ?

En réalité, durant la période des 1000 premiers jours, c’est-à-dire de la conception à deux ans après la naissance, l’enfant est vulnérable. Lorsqu’on ne le prend pas en charge de manière nutritionnelle, quand il sort de cette période avec de la malnutrition, les problèmes sont graves et irréversibles. C’est-à-dire que son développement cérébral sera affecté à jamais et ne pourra pas atteindre son plein potentiel quand il sera à l’âge adulte pour contribuer au développement du pays. D’où l’idée de diversifier dans la période pour tout faire pour corriger les carences nutritionnelles des enfants. C’est-à-dire qu’on va apporter ce supplément qui manque aux enfants en complément de ce qu’ils ont déjà fait.

Quels types de suppléments seront fournis aux enfants et aux adultes dans le cadre de ce projet ?

Ces suppléments contiennent des vitamines et les éléments chimiques nécessaires à la croissance du cerveau et au développement du potentiel humain. Les enfants vont prendre ça chaque jour. Il y a des petits sachets qu’on va leur distribuer qu’ils vont prendre chaque jour. Les femmes enceintes vont en prendre, les femmes allaitantes vont en prendre pour que les enfants puissent tirer ça du lait. Et puis, à partir de six mois, quand l’enfant ne peut plus manger, on va lui donner directement.

Quelles sont les principales difficultés liées à l’acceptation de ces suppléments dans les communautés ?

Étant donné que c’est un projet qui va intervenir sur les comportements, il faut accepter des suppléments notionnels. Ça va nécessiter des changements de comportement. D’où on a pris soin de savoir si le projet est accepté, si les nutriments sont acceptés par leur goût, leur forme, et aussi si les maires sont d’accord pour prendre ces produits là, pour qu’en commençant, on n’ait pas de difficultés. L’espérance sur trois mois qu’on a faite dans les zones sanitaires de trois ans a montré une bonne acceptation des suppléments, mais a montré aussi quelques préoccupations en termes d’aller chercher les suppléments de manière mensuelle. Parfois, étant donné que les enfants sont souvent malades, les parents estiment que ce n’est pas nécessaire d’aller chercher les suppléments de santé parce qu’on n’en a pas l’habitude. Donc on doit devoir travailler sur ces éléments-là pour que chaque mois, les parents puissent aller chercher les suppléments. Globalement l’acceptation est bonne, mais il y a quand même des préoccupations légitimes en termes de comportements sur lesquels on doit pouvoir travailler avec les maires et les communautaires.

Le projet prévoit-il des critères de sélection pour les bénéficiaires ?

Toutes les femmes enceintes sont éligibles. Mais il y a quelques critères où les sages femmes vont vérifier en prenant des mesures pour savoir si la femme est malnutrie. C’est un projet qui a pour objectif de prévenir la malnutrition et non pour traiter. Donc quand la femme dit qu’elle est malnutrie, elle ne le prend pas. On prend d’abord soin de traiter la malnutrition avant de la mettre sur ce produit-là parce que le produit, c’est pour prévenir la malnutrition et non pour traiter la malnutrition.

Comment le projet envisage-t-il de soutenir la production locale de suppléments nutritionnels ?

Le projet prend en compte le traitement dans la communauté et aussi l’ANAN contribue à ce que la malnutrition soit traitée dans les centres de santé avec l’accompagnement financier. Le projet va faire 5 ans (2024- 2028). Après 2 ans, on devrait se réunir dans les 67 communes de manière progressive. On le fera dans 46 communes d’ici à l’année prochaine. Et puis en 2026, on va passer à l’échelle. Au démarrage, les suppléments seront achetés auprès d’un groupe qui les fabrique. On a aussi un projet d’installer des usines pour les fabriquer à base des produits locaux, parce que les produits qui contiennent de l’arachide et du lait de ce genre, on peut les fabriquer localement. Ça va faire bénéficier à nos producteurs et ça fera une économie circulaire.

Quels mécanismes de sensibilisation seront mis en place pour informer les populations locales du projet ?

Il y aura une communication à travers les radios et  la communication de proximité. Dans chaque commune, dans chaque village, on va en parler à grand en fort pour convaincre, pour dire voilà ce qu’on a amené. Et tenir compte aussi de la culture de chaque communauté pour savoir à quel moment on va les offrir, pour que ça leur rende la tâche facile.

Propos recueillis par Dorice M. AHOLOUKPE

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