Si l’Afrique doit s’affranchir de la dépendance au blé et à ses produits, c’est sans doute en comptant sur ses propres capacités et sur le génie de l’agro-industrie à proposer des alternatives durables. Glim Africa, une PME camerounaise qui évolue dans l’agroalimentaire sort des sentiers battus en produisant des pâtes alimentaires, couscous, farines pâtissières… à base de niébé. Une solution plutôt originale et prometteuse quand on considère le potentiel nutritif du niébé et sa disponibilité sur le continent.
Après la farine de manioc et de patate douce découverte par des scientifiques africains comme une substitution à celle du blé de plus en plus inaccessible sur le continent, Glim Africa, une PME dirigée par l’ingénieur agronome Annie Adiogo, a décidé de faire du Koki (appellation locale du niébé au Cameroun) une denrée à déclinaison multiple. « J’ai choisi le niébé parce que c’est une matière première qu’on retrouve dans mon pays et avec laquelle on fait à peine deux recettes en général. Je trouvais que c’était intéressant de la valoriser davantage compte tenu de sa richesse en protéine et du fait qu’on la retrouve ici presque partout » va-t-elle nous confier.
En effet, le niébé figure parmi les légumineuses les plus fortement cultivées et consommés au Cameroun, mais seulement sous forme de beignets puis avec des feuilles de Macabo. C’est aussi l’une des légumineuses les plus nutritives à cause de sa forte teneur en protéine supérieure à 20 %, en potassium, acides aminées, fer, calcium et zinc. Il apporte une grande valeur nutritive pour aider à lutter contre la malnutrition. Alors pour Annie, la mise en valeur de cette denrée très nutritive s’est présentée comme une mission qu’elle a embrassée à pleins bras.
Afin de permettre aux consommateurs d’en tirer tout l’avantage nutritionnel à travers d’autres formes d’aliments auxquels ils sont habitués, Glim Africa réalise à Douala des pâtes, farines infantiles, couscous et farines pâtissières à base de niébé. Et ceci à partir d’un procédé encore artisanal et en optant seulement pour la variété la plus disponible localement. « Il y a plusieurs variétés de niébé ici au Cameroun, mais les productions ne sont pas organisées. Nous utilisons alors la variété Dambou parce que c’est une variété assez présente et le circuit d’approvisionnement est plus simple », explique-t-elle. Voilà de quoi détrôner le blé et ses déclinaisons importés sur le continent et vendus à des prix prohibitifs depuis la crise russo-ukrainienne.
Montée en puissance des produits agroalimentaires à base de niébé
Un bon plat de macaroni, ou de couscous ou encore un gâteau au chocolat noir à base de niébé, il va de soi que tout cela suscite la curiosité des consommateurs déjà habitués à tous ces mêmes produits issus de la farine de blé. À en croire Annie, les produits de Glim Africa et plus particulièrement les pâtes connaissent un intérêt croissant.
« Par rapport aux pâtes de niébé, les gens sont toujours très surpris. Ils se demandent si ça se cuisine comme les pâtes. Les consommateurs sont plutôt positifs, ils achètent par curiosité. Beaucoup apprécient son goût typique et ceux qui sont habitués aux pâtes complètes sont beaucoup plus ouverts au goût » affirme-t-elle.
Les produits alimentaires à base de niébé qu’offrent Glim Africa, sont la représentation même de ce qu’est capable le continent africain en termes d’innovation made in Africa. Ils laissent surtout entrevoir un véritable potentiel économique qu’il convient de vulgariser dans un contexte de cherté généralisé des produits du blé, de la quête de souveraineté et de sécurité alimentaire et nutritionnelle sur le continent.
Les ambitions louables de Glim Africa pour ses produits
Pour la promotion et la distribution de ses produits, l’ingénieur agroalimentaire multiplie les expositions commerciales et les partenariats avec d’autres acteurs engagés dans le made in Africa. Et pour aller plus loin, elle reste ouverte à d’autres partenariats capables de reproduire localement ses innovations.
L’entrepreneure nourrit également des projets humanitaires pour ses produits. « Ici au Cameroun, les régions très touchées par les problèmes de malnutritions sont des régions productrices de niébé. Nous souhaiterions alors que nos produits puissent toucher les populations qui souffrent de malnutrition notamment via les programmes tels que le PAM et l’UNICEF », va-t-elle confier.
Pour l’heure, le défi que la PME devra relever, c’est d’une part d’accroître la compétitivité de tous ces produits face aux importations à travers une production industrialisée et d’autre part de les rendre accessibles à toutes les couches sociales. Car à l’exception de sa farine de niébé destinée à la préparation de la bouillie, les produits de Glim Africa ne sont pour le moment qu’à la portée des bourses de la classe moyenne.
Méchac A.