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Patrice Sewade : « Il faut que l’État, à travers l’accord-cadre, investisse dans la recherche »

Il y a quelques jours, la quatrième édition du Marché des Innovations et Technologies Agricoles (MITA) s’est clôturée à Lomé, au Togo, avec la présentation de plusieurs solutions contre les ravageurs. Dans cet entretien, Patrice Sewade, représentant du secteur privé au CORAF et directeur général de Benin Agribusiness Incubation Hub, revient sur l’importance des innovations agricoles présentées lors du MITA. Il partage sa vision sur l’avenir de la filière soja au Bénin et souligne l’impact positif des réformes en cours dans le secteur.

Vous avez participé au MITA, que peut-on retenir ?

Patrice Sewade : Le Marché des Innovations et Technologies Agricoles est un événement qui a regroupé plusieurs partenaires, des jeunes, et des innovateurs, pour démontrer les innovations et partager avec le monde les connaissances traduites en réalités concrètes. Nous pouvons retenir qu’il y a de nombreuses technologies qui ont été mises au point dans la région ouest-africaine, et certaines permettent au secteur privé de créer de la richesse, de la nourriture pour les communautés, et de transformer l’économie des régions où se trouve le CORAF.

Vous êtes un acteur majeur de la filière soja au Bénin. Que pensez-vous des récentes réformes intervenues dans la filière ?

Cette réforme est bienvenue, car elle a remobilisé les acteurs du maillon production. Tout le monde n’était pas intégré dans les faîtières de production. Et au niveau de la transformation également, toutes les catégories de transformation n’étaient pas prises en compte. Nous avons des petites transformatrices, des petites unités coopératives de transformation et, au niveau communal, de grandes entreprises de transformation. Cela a permis de créer l’association béninoise des transformateurs de soja, qui est segmentée. Cette association prend en compte les besoins des petits transformateurs ou transformatrices des régions et permet à la grande unité agro-industrielle d’être un véritable interlocuteur auprès des producteurs pour connaître leurs besoins, les satisfaire, et répondre à sa demande en soja de qualité. Cependant, il faut davantage de dialogues, de discussions, et de communications pour éviter des fractures dans les négociations.

Entre l’acheteur et le vendeur, lorsque l’un des acteurs a un pouvoir économique plus dominant, il risque de vouloir l’utiliser contre son adversaire. Ce ne serait pas une lutte de « peau de fer contre pot de terre ». Les transformateurs, parmi lesquels se trouvent de grandes entreprises telles que celles de Glo Djigbé, sauront composer avec les producteurs, qui sont aussi en faîtières, pour permettre une collaboration saine. Ainsi, les produits du soja du Bénin pourront alimenter les unités de transformation béninoises, permettant au secteur avicole de trouver une matière première locale pour produire de l’aliment pour la volaille. Dans les années à venir, il sera essentiel de réduire notre dépendance à l’importation de volaille, et cela passe par une meilleure exploitation du soja et du maïs pour nourrir la volaille avec des provendes locales.

En quoi l’accord-cadre avec le gouvernement sera-t-il utile aux acteurs de la filière, et plus particulièrement aux producteurs ?

Quand vous avez une collaboration officielle avec l’État, c’est déjà une reconnaissance formelle de l’activité que vous menez. De nombreux aspects de l’agriculture nécessitent l’intervention de l’État, notamment la recherche. Nous n’avons pas assez de semences certifiées de soja au Bénin pour atteindre l’objectif d’un million de tonnes en 2026. Il faut travailler sur la recherche.

L’État doit, à travers l’accord-cadre, investir dans la recherche pour mettre au point des variétés de soja adaptées et faciliter l’accès aux intrants nécessaires à la production. Cela implique l’homologation et la délivrance de licences aux importateurs pour l’importation d’intrants spécifiques au soja.

Par ailleurs, dans le cadre des relations contractuelles, l’État doit jouer le rôle d’arbitre. Quand il s’engage dans l’accord, le producteur n’est plus exploité par le commerçant, aujourd’hui industriel ou membre d’une association de transformateurs de soja. L’État garantit une meilleure écoute des producteurs, un encadrement plus juste des prix et une certification de la qualité. Ainsi, cet engagement de l’État offre un grand avantage aux producteurs et transformateurs, car il sécurise la disponibilité de matière première de qualité, permettant de nourrir la population béninoise. Les produits à base de soja, tels que le fromage, le lait, la farine, les brochettes, les biscuits, le dadonu (exhausteur de goût), sont délicieux, riches en protéines, et se destinent à une diffusion plus large.

Où se positionne votre organisation dans ces réformes ?

Sojagnon est impliquée dans le conseil agricole ; nous avons choisi de ne pas faire partie des instances de faîtières pour garantir une séparation des fonctions. Nous sommes une organisation non gouvernementale thématique pour la filière soja, et nous accompagnons les petites et moyennes entreprises ainsi que les groupements et coopératives pour améliorer leurs capacités de production et de transformation à partir de divers outils de conseil agricole.

Quelles perspectives entrevoyez-vous pour la filière soja et votre organisation ?

Les missions assumées par les différents partenaires de la filière soja, jusqu’à la création d’une interprofession, montrent que l’avenir du soja est assuré. Le dialogue public-privé, formalisé par l’accord-cadre, permettra d’aborder les défis tels que la semence, le matériel agricole, les intrants, et le conseil agricole.

Notre organisation se concentre sur le conseil agricole pour accompagner les agriculteurs et les aider à devenir des opérateurs économiques et des entrepreneurs dans leur domaine. Il ne s’agit plus simplement de produire, mais de produire en tant qu’acteurs économiques afin de fournir des produits de qualité. Nous relevons ces défis en collaboration avec les faîtières, la direction du conseil agricole, et le ministère de l’Agriculture, pour que le type de conseil agricole mis en place soit conforme à la stratégie nationale de conseil agricole de deuxième génération et permette aux producteurs de devenir des professionnels. Nous sommes pleinement engagés dans cette mission. Les acteurs sont déjà organisés ; il reste à les renforcer.

Propos recueillis par Auriol HOUDEGBE

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