Le One Forest Summit qui a connu la participation du Président français Emmanuel Macron en personne et de cinq autres chefs d’États africains du 1er au 3 mars au Gabon s’est achevé sur l’adoption du « plan de Libreville » avec à la clé la création d’un fonds de 100 millions d’euros. Ce fonds viserait à rémunérer les pays du bassin du Congo qui font des efforts pour protéger les forêts. Si ces résolutions sont salutaires à plusieurs égards selon l’activiste climat Cédric Agbessi, il s’agit d’un fonds de trop et encore des promesses qui pourraient être vouées à l’échec à condition de changer les mécanismes de mise en œuvre habituelles.
Agratime : « Nous allons mettre 100 millions d’euros additionnels pour les pays qui souhaitent accélérer leur stratégie de protection des réserves vitales de carbone et de biodiversité dans le cadre des partenariats », a promis le Président français Emannuel Macron. Quelle est votre opinion sur cette résolution issue du One Forest Summit ?
Cédric Agbessi : Faut-il rappeler que le One Forest Summit est une conséquence directe des attentes de la COP27. C’est à la COP27 qui a eu lieu à Sharm El-Sheikh en Égypte que le président du Gabon, Ali Bongo et celui de la France, Emmanuel Macron ont pris l’initiative de ce sommet afin de pallier aux insuffisances liées aux mécanismes d’actions du marché de crédit carbone. Les résolutions de « L’accord de Paris » ne prévoient aucune disposition pour les pays qui travaillent à conserver leur forêt. Seuls les pays dans une dynamique de reforestation ont accès aux crédits carbone. Ainsi, il y avait une forme d’injustice dans cette résolution. Donc ce sommet était venu pour briser le mur préétabli. Alors, de façon sporadique, il s’agit d’une résolution salutaire et indispensable puisqu’elle vient régler une inégalité. Cependant, nous restons perplexes sur son application ou mise en œuvre.
N’est-ce pas une promesse de plus que celles de la COP27, qui risque de ne pas être tenue, vu que de nombreux engagements internationaux sont restés sans grand succès alors que nous sommes à moins de 7 ans du terme des ODD ?
Cette résolution, aussi salutaire qu’elle soit, de même que les résolutions antérieures à celle-ci, est naturellement encadrée par des mécanismes de mise en œuvre. Et c’est là la grande problématique. Les mécanismes d’applications de ces résolutions ne sont souvent pas clairs et beaucoup plus complexes. C’est ce qui cause tout le problème et qui nous laisse, une fois encore dans une pensée dubitative. Alors, de ce fait, si nous devons faire une analyse et afficher notre perception, nous estimons qu’il serait mieux de rendre moins contraignante la mise en œuvre des anciennes résolutions un peu comme les fonds verts, fonds climat et autres et élargir le marché du crédit carbone aux autres pays qui sont dans la conservation de leurs ressources que de créer un fonds additionnel.
Pour nous, le débat est ailleurs et peut-être pour l’urgence, ce n’est pas la création d’un nouveau fonds additionnel vu que nous n’avons pas encore pu rendre véritablement opérationnels les anciens fonds créés. Et là, on se demande si on ne joue pas à la Greenwashing. Qui finance généralement ces fonds ? Ce sont les grandes puissances qui tentent de voiler à la face du monde leur volonté de préserver l’environnement en se positionnant dans un schéma de pollueurs-payeurs. Malheureusement, les fonds ne sont pas mobilisables à temps et en totalité. Ce qui sape les résolutions de cette nature.
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Que pensez-vous que ces pays puissent faire pour garantir la tenue des engagements du One Forest Summit par les deux parties?
C’est tout à fait le grand défi à relever. Comment garantir la tenue des engagements ? C’est très difficile pour nous pays africains de faire pression pour le respect de ces engagements vu que dans ces dispositions les pays en voie de développement, déjà fragilisés par leur divergence géopolitique, n’ont pas une grande marge de manœuvre. La résolution est adoptée, mais c’est aux pays du nord en général de mobiliser les fonds et d’en définir les mécanismes d’attribution. Ce qui rend tout à faire difficiles les choses. Alors, ce qu’il est possible de faire serait une mutualisation des forces et/ou énergies des pays concernés pour définir à voix unique et consensuelle les stratégies de repositionnement sur le marché. Ceci passe par des études scientifiques menées par nos pairs pour avoir des valeurs exactes de négociation. Par la suite, une stratégie diplomatique très forte doit être pensée et mise en œuvre pour lancer les assauts visant à faire respecter les engagements pris.
Propos recueillis : Méchac AWOKOLOITO