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Élevage et consommation d’insectes au Bénin : une révolution alimentaire en marche

Introduire les insectes dans nos plats pour répondre aux défis alimentaires futurs : la question était au cœur d’un atelier de formation organisé par la Commission Permanente Agriculture, Élevage, Pêche, Foresterie et Arboriculture de l’Académie Nationale des Sciences, Arts et Lettres du Bénin (ANSALB). Réunis à Grand-Popo les 15 et 16 juillet 2024, chercheurs et aviculteurs ont discuté des avancées technologiques et des perspectives de l’utilisation des insectes dans l’alimentation humaine.

L’atelier a mis en lumière les avantages des grillons et des asticots (larves de mouches domestiques et de mouches soldats noires) dans l’alimentation humaine et animale. Avec une population mondiale qui pourrait atteindre neuf milliards en 2050, la demande en protéines va considérablement augmenter. Devant cette situation, les insectes, riches en protéines et nécessitant moins de ressources pour leur élevage, constituent une solution durable et écologique.

De plus, la consommation d’insectes, ou entomophagie, permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre par rapport à l’élevage traditionnel. La pratique est reconnue par l’Union Européenne comme étant un régime alimentaire durable. Elle contribue également à la lutte contre la déforestation et offre des opportunités économiques significatives. Une étude effectuée en 2018 révèle que deux milliards de personnes consomment déjà des insectes dans le monde, ceux-ci fournissant entre 20 % et 76 % de protéines et des minéraux essentiels.

L’intérêt pour les insectes en croissance au Bénin

Une communication a permis de présenter les étapes de l’élevage des grillons. Le procédé démarre par la mise en place du dispositif d’élevage (comme des cages, des bacs en terre, des mangeoires ou des boîtes de ponte). Ensuite, il y a la capture des géniteurs, soit dans la nature, soit dans un élevage voisin (avec un filet fauchoir ou en creusant), la production des œufs par les adultes femelles, puis l’incubation et l’éclosion des œufs. La durée d’incubation varie de 10 à 14 jours selon l’espèce en cours d’élevage. L’élevage prend fin avec la croissance des grillons.

La communicatrice, Racilia Ganta, a pris la peine de rappeler le phénomène de cannibalisme chez les grillons. Elle invite alors à ne pas surcharger les cages et à veiller à une alimentation riche et régulière lors de l’élevage.

Pour soutenir la promotion des insectes comestibles, le projet « Soutien à la filière des insectes comestibles via le développement de projets de tourisme ethno-culinaires au Bénin » a été lancé. Ce projet a permis de créer un catalogue des insectes comestibles et de renforcer les capacités locales à travers le Laboratoire d’Entomologie Agricole (LEaG) de l’Université d’Abomey-Calavi (UAC), qui dispose d’un insectarium où plusieurs espèces sont en cours d’élevage, dont le grillon provençal (Gryllus bimaculatus), le grillon domestique ou grillon comestible (Acheta domesticus) et le grillon domestique tropical (Gryllodes sigillatus).

insectes

Les asticots, l’alternative pour nourrir les animaux

Après l’accent sur l’alimentation humaine, un détour a été fait sur celle des animaux. En effet, face à la hausse des prix des matières premières pour l’alimentation animale, les asticots représentent une alternative prometteuse. Des études menées par l’Institut National des Recherches Agricoles du Bénin (INRAB) montrent que les asticots, riches en protéines, améliorent significativement la croissance et la santé des animaux d’élevage. Les larves des mouches ou asticots sont une source alternative sous différentes formes : frais, séchés, en farine. Utilisés dans l’alimentation des poulets, les asticots frais boostent de plus de 20 % le gain de poids par rapport au régime conventionnel.

« Les asticots frais complémentés à la ration alimentaire permettent de déclencher la ponte de manière continue chez les poules en l’absence de coq, avec un nombre moyen de 23 œufs par poule par couvée », a souligné Kocou Aimé Edenakpo, chercheur à l’INRAB et Chef du Programme de Recherche sur la viande et les œufs au Centre de Recherches Agricoles en Productions Animales et Halieutique (CRAPAH).

Aussi, les asticots séchés et la farine apportent respectivement plus de 15 % et plus de 18 %. « Majoritairement, les insectes comestibles identifiés au Bénin sont frits », ajoute Docteur Marc Sohounnon, biologiste de formation, assistant de Recherche et d’Enseignement à l’UAC.

Dans chacun des cas, il y a une amélioration de la santé intestinale de l’animal. Le gain de poids est aussi observé chez les porcs, les poissons et les lapins nourris aux asticots. Ces résultats sont confortés par le rapport « Insectes comestibles : Perspectives pour la sécurité alimentaire et l’alimentation animale » de la FAO qui souligne que les insectes représentent une source de protéines viable et durable. Ils peuvent contribuer à la sécurité alimentaire en fournissant une alternative aux protéines animales traditionnelles, tout en ayant un impact environnemental réduit.

Le plaidoyer issu de l’atelier de Grand-Popo

Pour encourager l’adoption des insectes dans l’alimentation, des équipements qui facilitent l’extraction et la conservation des asticots ont été développés. Ces technologies ouvrent de nouvelles opportunités pour les entrepreneurs dans le secteur de l’agrobusiness. La deuxième journée de l’atelier a d’ailleurs servi d’occasion pour formuler des recommandations aux différents acteurs, comme la Faculté des Sciences Agronomiques (FSA), les chercheurs et les décideurs. Notamment la mise en place d’une structure pour organiser les producteurs d’insectes comestibles et la création d’une plateforme d’échange entre tous les acteurs. Il est également proposé d’étendre la production à d’autres espèces comme les larves de palmier et de promouvoir les insectes comestibles à travers des activités de sensibilisation.

La consommation d’insectes, bien que présente dans plusieurs cultures à travers le monde, reste un sujet délicat et souvent mal perçu. L’un des principaux défis reste la législation encadrant la production et la consommation d’insectes. Un cadre réglementaire clair et adapté est essentiel pour encourager cette pratique. Par ailleurs, la patience et la détermination sont indispensables pour changer les mentalités et faire accepter les insectes comme une source alimentaire.

Avec des initiatives comme celles de l’ANSALB et de l’UAC, le Bénin se positionne, comme plusieurs autres pays, en avant-garde de cette révolution alimentaire.

Auriol HOUDEGBE

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