Au Bénin, l’accès au financement et aux crédits bancaires demeure un souci majeur pour les agriculteurs. La raison est simple : les agriculteurs et les structures financières se connaissent mal et se font peu confiance. Clé de voute de la dynamisation de l’agriculture , l’accès au financement fait défaut à plusieurs entreprises ou start-up agricoles qui sont parfois obligés de mettre la clé sous la porte face aux nombreuses charges liées à leurs coûts de production.
Face à l’ampleur de cette situation et son impact sur l’économie agricole, le programme ACMA2 s’est proposé en intermédiaire afin de plaider auprès des Systèmes Financiers Décentralisés (SFD) pour qu’ils accordent aux agriculteurs, des prêts adaptés et répondant à des conditions de remboursement souple.
Ayant identifié l’accès au financement et aux crédits bancaires comme un levier important de l’agro-business pour la mobilisation de l’offre, le programme ACMA2 a consacré un domaine entier à la facilitation de l’accès au financement à toutes les catégories d’acteurs actifs dans les chaînes de valeur promues par lui. L’ambition du programme est de faciliter 1.6 milliard de francs CFA de crédits agricoles à la fin de cette 2ème phase du programme. Pour ce faire, des partenariats ont été noués avec les SFD ALIdé et UNACREP. Un partenariat basé non seulement sur la confiance mais aussi sur les suivi pré et post rigoureux exercés par la spécialiste du domaine afin que les prêts soient remboursés dans les délais contractuels. « Nous avons noué des partenariats avec des structures financières. Ces dernières ont les ressources financières mais le programme apporte les services non financiers en amont ce qui constitue une garantie sur laquelle les institutions financières se basent pour accompagner les acteurs. Les fonds appartiennent entièrement aux structures financières qui ont le dernier mot en ce qui concerne la mise en place des crédits. Parmi les que nous apportons, il y a des formations sur la gestion de crédit, les droits et devoirs des bénéficiaires de crédit, la culture de l’épargne, des sensibilisations bref tout ce qui a rapport à l’éducation financière. Nous apportons tout ce qu’il faut pour pouvoir rendre les bénéficiaires apte à gérer les crédits et à bien les rembourser» explique Colette Kiki Houeze Biga, la spécialiste de l’accès au financement du programme ACMA2.
Ainsi, les structures financières sont mises en confiance et offrent des conditions inédites à ces agriculteurs. Elles offrent aux soumissionnaires accompagnés par ACMA2, des crédits avec un taux d’intérêt de 1 % par mois tout en leur accordant des périodes de différé dont la durée carie selon le cycle de production de chaque demandeur.
Des conditions et critères d’accès au financement simplifiés aux bénéficiaires
Cette offre desdites structures est plus que généreuse dans un contexte où, les taux d’intérêt pratiqués vont de 3 à 10% avec un délai de remboursement assez court qui ne permet pas au bénéficiaire de faire tourner les ressources engrangés pour mieux développer leur production. « Chez les autres structures de microfinance, il y a rarement de périodes de grâce. Si vous prenez du crédit aujourd’hui c’est que vous commencez à rembourser le mois prochain » témoigne Roland Vignonfodo, producteur d’huile de palme à Sakété
Jadis, disposer d’un crédit et en profiter pleinement relevait d’un parcours de combattant pour ces agriculteurs car malgré les documents d’usages qu’ils devraient présenter aux SFD et les garanties qu’ils devraient constituer en mettant des biens en hypothèque, il subsistait encore le risque de ne pas être éligible au crédit. Aujourd’hui, la crédibilité du programme ACMA2 aidant, tout est devenu plus simple pour les demandeurs de crédit. Il suffit juste que la structure financière s’assure que le soumissionnaire est bel et bien appuyé par le programme et qu’il a suivi et mis en pratique les recommandations en matière d’éducation financière pour être sélectionné. Ces producteurs bénéficient même auprès des SFD, d’un appui-conseil préalable au crédit. « Lorsque vous nous exposez votre projet, nous voyons avec vous si le prêt que vous sollicitez est celui qui convient à vos besoins. Et nous vous faisons ensuite la proposition de prêt qui vous convient selon le partenariat » explique Narcisse Dadjo, Chef d’Agence Unacrep d’Ikpinlè.
Quatre types de prêts leurs sont proposés notamment les prêts pour les fonds de roulement, les prêts warrantages, les prêts pour équipements puis les prêts aux groupes solidaires.
Des résultats encourageants pour le programme ACMA2
Les volumes de crédits accordés rien que dans les départements du plateau de l’Ouémé et du zou témoignent d’une interaction significative et positive entre ces SFD et les bénéficiaires du programme. À mi-parcours (de la mise en œuvre du programme), l’état des lieux dans les différents départements d’intervention est très encourageant pour le programme. « Nous avons déjà mobilisé plus de 850 millions en moins de 2 ans et dans ce processus c’est surtout le crédit warrantage qui a la grande part », révèle Colette Kiki Houézé Biga. Ce montant qui dépasse déjà la moitié des prévisions a été octroyé à plus de 3.500 bénéficiaires dont 2.500 femmes. Mieux que le nombre des bénéficiaires, c’est le taux de remboursement enregistré (98 %) qui motive le programme à poursuivre sur cette lancée car ce taux aurait pu être dépassé si les bénéficiaires n’avaient pas eu à faire face à quelques impondérables dans certaines spéculations. Augustin Kintokonou, Chef d’agence Alidé à Porto-Novo évoque par exemple les pertes post production, les aléas climatiques (inondations notamment), la chute du Naïra, la spéculation à outrance ou encore le cas récent de la fermeture des frontières du géant de l’Est (le Nigéria étant le principal marché d’écoulement).
D’après des gérants d’agences financières du Plateau, certains bénéficiaires font preuve de mauvaise foi. Après avoir reçu les prêts, ils les détournent de leur but principal. Ceci occasionne des retards de remboursement et remet en cause leur crédibilité pour les prochaines sollicitations.
L’épargne, une solution pour pérenniser l’accès au financement
Conscient des enjeux du financement et de son utilité, le programme ACMA2 a entrepris dans sa démarche d’éducation financière la culture de l’épargne aux acteurs. Les habitudes n’étant pas à l’épargne sous nos cieux, les producteurs se montrent de plus en plus réticents à l’idée. « L’argent pour moi est un instrument de travail, je ne dois pas aller le déposer quelque part » déclare un des bénéficiaires. Toutefois, le programme piloté par l’IFDC n’entend pas baisser les bras car l’objectif pour lui est de mobiliser 160 millions de francs CFA d’épargne avant la fin de sa mise en œuvre. Ce qui représente 10 % des 1.6 milliard de crédits qu’il aurait aidé à faciliter.
Ainsi, les uns et les autres auront appris au-delà du remboursement à se constituer des fonds de réserve pour continuer à fonctionner et à produire pour satisfaire le marché. L’épargne devient aussi cruciale pour les producteurs quand on sait que le programme prend fin dans quelques années et qu’ils doivent continuer de solliciter les prêts grâce à cette garantie financière qu’ils auraient constituée.
Une proximité permanente pour réduire les écarts
Le programme ACMA 2 a adopté l’approche de suivi rapproché et permanent pour s’assurer d’atteindre ses résultats. En plus des visites pré et post crédit, des formations préparatoires à l’accès au crédit, les bénéficiaires ont droit à un coaching individuel dans la pratique de leurs activités et notamment dans la gestion des fonds et la tenue de la comptabilité. Ce coaching est assuré par des structures d’appui entrepreneurial qui assistent les jeunes et les femmes conformément aux clauses de leur contrat à travers les agents relais placés dans chaque localité. Les missions de suivi et évaluation fréquemment diligentées renforcent cette méthode.
La finance digitale, nouveau défi d’ACMA 2
À l’ère de la dématérialisation de la monnaie favorisée par l’expansion de l’usage du téléphone portable, ACMA 2 s’inscrit dans une logique d’appropriation de la finance digitale par les producteurs. Selon Colette Kiki Houeze Biga, la finance digitale a le potentiel d’accélérer l’inclusion financière des bénéficiaires en leur simplifiant le remboursement direct des emprunts et les coûts du transport tout en assurant la sécurité de leurs transactions financières. La phase pilote de ce projet qui a pris en compte les groupements de femmes des départements de l‘Ouémé et du Plateau, s’étendra sur les deux autres départements d’intervention du programme très prochainement. Pour l’heure l’essentiel des travaux tourne autour des sensibilisations.
L’intérêt croissant des bénéficiaires présage la généralisation de la finance digitale.
Les producteurs quant à eux sont dans une logique permanente d’accroissement de leur production et de renouvellement de leur matériel vétuste. Pour ce faire des crédits à moyen et longs termes sont attendus. C’est du moins le projet de Madinatou Somasse, vu la croissance des commandes à satisfaire. Rappelons que pour le moment le programme ne facilite que des crédits à court terme (durée inférieure ou égale à 1an).
Notons que le programme ACMA2 intervient dans les départements du Zou, des Collines de l’Ouémé et du plateau. Il est financé par l’Ambassade Pays-Bas et est mis en œuvre par l’Ifdc en consortium avec l’Institut royal des Tropiques et Care international Bénin/Togo. Il apporte divers appuis aux acteurs agricoles dans les filières maïs, soja, arachide, manioc, palmiers à huile, piment et poisson.
André Tokpon & Méchac Awokoloïto