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Landrique Estelle Brun : « le plastique ne se limite pas uniquement aux sacs, il est partout dans la vie quotidienne »

Le 3 juillet de chaque année, le monde entier commémore la journée mondiale « sans sacs plastiques ». Initiée par des organisations écologistes, cette journée vise à sensibiliser le public sur les impacts environnementaux néfastes des sacs plastiques. A cet effet, Docteure Landrique Estelle Brun, consultante indépendante en évaluation environnementale parle dans cet entretien des différentes conséquences des sacs plastiques sur l’environnement, les résultats observés depuis la mise en place de la journée ainsi que les méthodes à adopter pour lutter contre l’utilisation des sacs plastiques.

Agratime : Qu’elle est votre perception de la journée mondiale sans sacs plastiques ?

Landrique Estelle Brun : Célébrée chaque 3 juillet, la Journée mondiale sans sacs plastiques permet de sensibiliser le grand public sur les effets néfastes de l’utilisation des sacs ou sachets plastiques qui entraînent une dégradation et pollution environnementale sans pareille mesure en vue d’une prise de conscience à l’échelle mondiale. En effet, c’est une initiative mondiale qui vise à sensibiliser le public à l’impact néfaste des sacs plastiques sur l’environnement en général et sur la santé des hommes, des animaux et végétaux en particulier, parmi d’autres produits courants, qui sont principalement fabriqués à partir de plastique dérivé du pétrole, et à encourager l’adoption de solutions durables. Ce matériau constitue une source majeure de pollution environnementale et représente un risque pour la biodiversité. En plus d’être très peu biodégradable, le sac en plastique se disperse très rapidement dans les mers et la nature. La croisade contre l’utilisation des sacs ou sachets plastiques entre symboliquement dans cette logique de réduction des déchets.

Quels sont les effets néfastes des sacs plastiques sur l’environnement et les domaines connexes comme l’agriculture ?

Elles ne sont plus à démontrer aujourd’hui, puisque les dangers concernent aussi bien la santé de l’homme que celle des animaux et sur l’environnement en général. L’homme et surtout la femme doivent éviter de mettre des nourritures chaudes et éviter de faire le feu dans ou avec les sachets plastiques. L’odeur que dégage le brûlage de ces sachets plastiques et l’inhalation de ces fumées entraînent la survenance de certaines maladies ou allergies telles que la stérilité ou l’infertilité dans le couple, la toux, le cancer de peau, les maux des yeux, le problème de poumon, les malformations congénitales et cela peut même amener la femme à ne plus concevoir. Aussi montrez aux femmes que l’odeur que dégage le brûlage de ses sacs ou sachets plastiques, l’inhalation des fumées issus de ces sacs ou sachets plastiques lors du feu entraînent la survenance de certaines maladies ou allergies telles que le risque de stérilité ou d’infertilité dans le couple, les maladies de la peau, la toux, le problème de poumon, le cancer de peau et même conduit à se brûler les doigts ou la main. Montrez aussi que l’utilisation de ses sacs ou sachets plastiques entraîne la pollution environnementale et des nuisances de toutes sortes sur les berges lagunaires, les cours et plan d’eau, les plages, la pollution sonore, bruit, poussières, etc. Et sur le plan agricole, les sols ou les terres sont encombrés et asphyxiés et ne donnent plus un bon rendement ou une bonne productivité.

Y-a-t-il une réglementation en vigueur au Bénin sur les sacs plastiques ? Si oui, quel état des lieux peut-on faire de son application à la date d’aujourd’hui ?

Evidemment si ! Notons d’abord que l’adoption de la nouvelle loi qui régit les sachets plastiques date de novembre 2017. Elle a été promulguée le 26 décembre 2017 et est entrée en vigueur en juin 2018. Elle a été vraiment capitale pour le Bénin. C’est la loi N° 2017-39 du 26 décembre 2017 portant interdiction de la production, de l’importation, de l’exportation, de la commercialisation, de la détention, de la distribution et de l’utilisation de sachets plastiques non biodégradables en République du Bénin. En un mot, le Bénin a renforcé son arsenal juridique en matière de gestion et protection de l’environnement. Pour ma part, je pense que c’est un bilan mitigé depuis l’entrée en vigueur de cette nouvelle loi en juin 2018 puisque la loi, en elle-même comporte beaucoup d’ambiguïté à cause des terminologies pas possibles définies autour des sachets ou sacs plastiques dans la nouvelle loi. D’où les populations n’ont réellement pas compris le message que véhicule la nouvelle loi. Pour ce faire, il faut du temps pour que cette loi puisse marcher, il faut la sensibilisation à outrance, et cette sensibilisation passe par une Education Relative à l’Environnement (ERE).Si aujourd’hui, ces sacs ou sachets plastiques pullulent partout encore (marchés, boutiques, rues, vendeurs/vendeuses, c’est parce qu’on note une grande légèreté dans l’application de cette loi. Car, il ne suffit pas de voter des lois, mais de veiller à leur applicabilité effective sinon cela ne vaut pas la peine. Et pour ce faire, il faut couper le pont en amont aux producteurs avant de faire la répression aux commerçants en aval. Inviter donc les autorités à divers niveaux à éviter le clientélisme politique pour que cette nouvelle loi promulguée il y a 6 ans retrouve toute ses lettres de noblesse. Sans quoi, les mêmes causes produiront toujours les mêmes effets et les lois votées seront toujours et à jamais laisser pour compte dans les tiroirs ou archives.

Quels sont les résultats observés depuis la mise en place de la Journée mondiale sans sacs plastiques ?

Les résultats observés depuis la mise en place de la Journée mondiale sans sacs plastiques sont nombreux puisque bon nombre d’ONG, d’associations et de clubs environnementaux luttent dans ce sens pour une disparition ou une réduction totale de ces sacs ou sachets plastiques. Par exemple au Bénin, il y a eu la création de la SGDS en 2018 en vue de mieux gérer les déchets de toutes sortes sur toute l’étendue du territoire national. Malgré tous ces efforts fournis par diverses structures étatiques et privées, les résultats sur le terrain ne sont pas du tout reluisants, car dit-on tant qu’il reste à faire, rien n’est encore fait. Et ceci, pour amener chacun à plus d’actions citoyennes en vue d’éradiquer totalement ce mal nécessaire dans non modes de vies et habitudes de consommation pour un monde assez sain et plus durable écologiquement, économiquement et socialement. Notons que la plupart des militants de ces organisations se révèlent être plus de la couche juvénile et des enfants.

Comment contribuer à la réduction des sacs plastiques ?

D’une part, légiférer est un bon moyen de lutter contre la dépendance au plastique. Par exemple, les sacs en plastique à usage unique sont interdits en caisse des supermarchés, marchés, rues, etc. depuis le 1er juillet 2016 en France. D’autres pays dans le monde ont également instauré des lois pour interdire certains objets en plastique, à titre illustratif le Bénin. Il existe d’autres pistes pour réduire la consommation de sacs en plastique et lutter contre sa dangerosité pour les écosystèmes. Il faut utiliser des sacs réutilisables en tissus ou des sacs à dos durables; utiliser des sacs biodégradables et compostables, comme les sacs en bioplastique; privilégier les magasins  en vrac en apportant son propre contenant, idéalement en verre, acheter les aliments en plus grande quantité quand cela est possible pour limiter les emballages ; éviter les aliments suremballés à des fins marketings ; utiliser sa propre tasse café  ors des déplacements pour éviter les gobelets en plastique.

Cependant le plastique ne se limite pas uniquement aux sacs car celui-ci est partout dans la vie quotidienne. Pour limiter au maximum la consommation de plastique, il existe la règle du « moins mais mieux ». C’est méthode B.I.S.O.U consistant à se poser cinq questions avant d’acheter un produit plus souvent un vêtement, et faire un choix raisonné et écologique pour ne garder que l’essentiel. Ainsi, il ne s’agit plus de produire plus de déchets recyclables mais de produire globalement moins de déchets pour soulager les décharges. Cette méthode B.I.S.O.U est simple à retenir. Chaque lettre de son nom symbolise ses cinq étapes : Besoin, Immédiateté, Semblable, Origine, et Utile.

Comment améliorer la sensibilisation du public aux effets néfastes des sacs en plastiques ?

Pour ma part, je souhaiterais que la sensibilisation soit accompagnée d’une répression timide, pour faire peur à la population afin de jouer le rôle de gendarme derrière elle, pour une véritable prise de conscience. C’est-à-dire, toucher leur sensibilité au point où, la population elle-même décide de s’en débarrasser totalement de leur propre gré. Par exemple, montrez à travers cette sensibilisation (chaque 3 ou 4 mois) aux populations que l’utilisation des sachets plastiques entraîne des risques non seulement sur la santé humaine, animale et végétale mais également sur l’environnement voire l’agriculture qui reste et demeure une filière à vocation agricole pour notre cher pays le Bénin. Mais la question qui se pose actuellement, est ce que le béninois ou la bonne dame dans sa postule majoritairement illettré est prêt ou est encore amené à cette action sur les notions d’hygiène environnementale et d’Education Relative à l’Environnement (ERE). A ce niveau, il est à noter que beaucoup d’ONG nationales et internationales se sont mises dans la danse pour sensibiliser le public ou les populations à cet effet. Expliquez les terminologies développées dans l’adoption de la nouvelle loi aux bonnes dames, aux producteurs, aux exportateurs et aux importateurs. Amenez un appareil pouvant identifier ou détecter les types de sachets plastiques et les expliquer sur le terrain aux bonnes dames ou béninois exportateurs et importateurs pour l’usage de ces sachets. De plus, insister sur la durée de vie d’un sachet est plus de 400 ans et imaginons un instant qu’on en produise 1500 tonnes par jour. Alors là, bonjour la débandade ! Et pire encore, les produits chimiques (polyéthylène et polypropylène) issus de ces sacs ou sachets plastiques est très dangereux à la santé des hommes, des animaux, des végétaux et de la nature et contribuent à l’augmentation des gaz à effet de serre, par conséquent à la dégradation des terres, au réchauffement climatique voire au phénomène de changement climatique auquel nous assistons actuellement sur l’échiquier international.

Quelles recommandations donneriez-vous aux décideurs politiques et aux organisations internationales pour promouvoir une utilisation plus responsable des sacs en plastique ?

Recommandations c’est trop fort, je parlerai plutôt des solutions sine qua none pour se passer des sacs en plastique. Il faut desservir la population sur le choix disponible en qualité et en quantité suffisante. Ce choix doit être porté sur les sacs en tissus, et surtout faire la promotion des emballages végétaux, seule solution ou condition sine qua none pour lutter contre les sachets plastiques. Ces emballages seront de deux sortes : emballages semi industriels à utiliser surtout dans les supermarchés et les emballages naturels à utiliser partout. L’Etat a-t-il les moyens nécessaires pour mettre ses emballages à la disposition de la population ? Evidemment oui, l’Etat est le garant de la protection de l’environnement dans toute sa globalité. D’où, il doit faire un vaste programme sur ces essences de plantes pour que le produit soit disponible en qualité et en quantité sur le marché national et surtout, au niveau des frontières entre les pays limitrophes avec le Bénin. Nos gouvernants et nos populations doivent comprendre que la lutte contre les sachets plastiques est tout d’abord une lutte individuelle avant d’être collective. Donc, il faut qu’ils prennent conscience de la dangerosité de ces sachets plastiques et de l’impact que leur utilisation peut avoir sur la santé de l’homme, des animaux et sur l’environnement en général.

Votre mot de fin

Nos décideurs politiques et nos populations doivent comprendre que la lutte contre les sachets plastiques est tout d’abord une lutte individuelle avant d’être collective. Donc, il faut qu’ils prennent conscience de la dangerosité de ces sacs ou sachets plastiques et de l’impact que leur utilisation peut avoir sur la santé de l’homme, des animaux, des végétaux et sur la nature en général. Les sacs en plastique présentent en effet le double désavantage d’être très peu biodégradables et de se disperser très facilement au gré des vents et des courants. Ils pourraient assez facilement être remplacés par des sacs réutilisables et recyclables voire par des emballages papier même si ces derniers ne sont pas une panacée. Ensemble, protégeons notre environnement, notre maison commune en éliminant définitivement l’usage des sacs ou sachets plastiques à travers des gestes écoresponsables et écocitoyens.

Propos recueillis par Dorice M. AHOLOUKPE

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