Le foncier rural en Afrique est une question à la fois stratégique et centrale dans les processus de développement des États, en raison des ressources que la terre regorge. La sécurité des droits fonciers est désormais reconnue par la plupart des gouvernements africains comme indispensable pour la paix, la stabilité et la croissance économique.
En prélude à la deuxième session de la conférence internationale des ingénieurs agronomes africains, riches en communications, les échanges ont porté sur l’investissement foncier rural en Afrique. La juriste du foncier Ruth Akpoli définit le foncier rural comme « étant un ensemble des rapports sociaux entre les hommes à propos de l’accès à la terre et aux ressources naturelles qu’elle porte et du contrôle de cet usage ». Il répond à de nombreux enjeux comme la sécurité alimentaire, l’emploi agricole et l’exploitation. La question qui se pose alors est celle de la sécurisation de l’achat et de la vente des terres sur différents territoires en Afrique.
Les normes juridiques dans l’achat des terres
Au Bénin, parmi les normes juridiques, il faut noter que seules les personnes ayant la nationalité béninoise peuvent aujourd’hui acquérir des terres. Les conditions d’acquisition immobilière sont précisées dans l’article 14 de la loi n°2013-01 du 14 août 2013, portant code foncier en République du Bénin, modifiée et complétée par la loi n°2017-15.
« L’article 14 nous fait comprendre que les non-nationaux peuvent acquérir un immeuble en milieu urbain en République du Bénin, mais sous réserve d’accords de réciprocité ou de traités ou accords internationaux. Les représentations diplomatiques et consulaires, de même que les organismes internationaux installés ou intervenant en République du Bénin, peuvent également y acquérir un immeuble, toujours sous réserve d’accords et de réciprocité de traités ou accords internationaux », a expliqué Ruth Akpoli.
Parmi les acheteurs de terres, on distingue des entreprises, des investisseurs privés et des étrangers qui cherchent à réaliser des profits soit dans des activités productives à bon rendement, soit dans des activités spéculatives.
De plus, l’article 361 du Code Foncier relatif à l’accaparement des terres rurales stipule que « l’acquisition d’une terre rurale dont la superficie est comprise entre deux (02) et vingt (20) hectares est conditionnée par l’approbation préalable du conseil communal ou municipal, d’un projet de mise en valeur à des fins agricoles, halieutiques, pastorales, forestières, sociales, industrielles, artisanales ou de préservation de l’environnement conformément aux dispositions des articles 368 et suivants du présent code ou d’une manière générale liée à un projet d’intérêt général. Au-delà de vingt (20) et jusqu’à cent (100) hectares, le projet de mise en valeur défini à l’alinéa précédent est approuvé par l’Agence nationale du domaine et du foncier après avis du conseil communal ou municipal ».
La modélisation de l’administration foncière, une problématique pour les chefs d’États
Plusieurs pays africains se sont engagés dans la voie de la modélisation de l’administration foncière par une dotation d’outils technologiques. Pour la juriste du foncier, il s’agit de la numérisation du registre foncier, la création de la plateforme e-notaire qui facilite désormais le transfert de propriétés, la digitalisation des états descriptifs, la transparence dans la nomenclature des causes et des prestations de l’Agence nationale du domaine et du foncier, la gratuité de l’enregistrement des actes de propriété de valeur inférieure à 50 millions pour les sociétés commerciales et industrielles, ainsi que la mise en place de la commission de gestion des principes. À cela s’ajoute un décret qui parle non seulement de l’investissement foncier au Bénin, mais qui fixe aussi les conditions de gestion des investissements publics.
Selon la Commission économique pour l’Afrique (CEA) , 685 opérations d’investissement foncier à grande échelle ont été recensées entre 2008 et 2017. Les pays africains les plus ouverts aux investissements sont l’Éthiopie et l’Arabie Saoudite.
Les défis à relever
Malgré ces dispositions, des défis subsistent. Pour les relever, selon Ruth Akpoli, il faut prendre des mesures un peu plus restrictives relativement à l’accaparement des terres ainsi qu’au contrôle de leur mise en valeur et de leur exploitation.
L’article 6 de la loi n°2013-01 met aussi l’accent sur les mesures à entreprendre. Il dispose que : « L’État et les collectivités territoriales, en tant que garants de l’intérêt général, doivent lutter contre la spéculation foncière en milieu urbain et rural et favoriser la mise en valeur effective des terres au bien-être des populations, veiller à l’exploitation durable des terres dans le respect des intérêts des générations présentes et futures, lutter contre le morcellement anarchique et impulsif des terres rurales, veiller de manière générale à la protection des intérêts nationaux et à la préservation du patrimoine. »
Pour contrôler la mise en valeur des terres, il faut que des produits de bonne qualité soient utilisés, opter pour des méthodes naturelles d’utilisation du sol et des méthodes industrielles pour ne pas abîmer ou rendre infertiles les sols à l’avenir, a souligné la juriste. Il faut aussi que les règles imposant le respect de l’environnement soient respectées.
La loi numéro 2022-14 du 19 juillet 2022, portant « Orientation Agricole, Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle en République du Bénin », prévoit la protection des terres cultivables et le contrôle de la sécurité alimentaire au Bénin.
Il convient de rappeler que les dispositions 367, 369, 370, 371 et 372 du Code Foncier mettent également l’accent sur le contrôle de la mise en valeur et de l’exploitation des terres.
Avec l’investissement foncier à risque, la sécurité alimentaire est en danger, surtout en Afrique. Il urge alors que les États et les autorités pensent à mener des actions pour organiser la réglementation de l’investissement foncier en Afrique.
Dorice M. AHOLOUKPE