À quelques semaines de la COP30, le ROPPA rappelle que les petits producteurs, qui nourrissent la planète, sont les grands oubliés du financement climatique. A la faveur d’une conférence de presse, le réseau a présenté le rapport mondial « Nourrir le monde dans un climat changeant : le financement de l’adaptation aux besoins des petits producteurs », mené dans le cadre de la campagne Family Farmers for Climate Action (FFCA). Cette étude met en évidence les besoins de financement pour l’adaptation des exploitations familiales (EF) ainsi que le déficit de financement actuel.
Selon l’étude, il faudrait 443 milliards de dollars US par an pour permettre aux 498 millions d’exploitations familiales de s’adapter aux chocs climatiques. Pourtant, seuls 1,59 milliard ont été investis en 2021 à peine 0,36 % du besoin réel. Cela représente 2,19 dollars par jour et par ferme, soit moins que le prix d’une tasse de café en Allemagne (3,06 $ au T4 2025). Et pourtant, ces petits exploitants possédant moins de 10 hectares produisent la moitié des calories mondiales et font vivre 2,5 milliards de personnes. Sans eux, aucune sécurité alimentaire n’est possible.
Un paradoxe financier : des milliards pour le nuisible, des miettes pour le durable
Les 443 milliards nécessaires représentent pourtant moins que les 470 milliards de subventions agricoles « nuisibles » distribuées chaque année dans le monde. Ils ne constituent qu’un tiers du service annuel de la dette des pays du Sud (1,4 trillion USD) ou un quart des revenus des 25 plus grandes multinationales agroalimentaires (1,8 trillion USD). « Malheureusement le financement mobilisé chaque année pour soutenir l’adaptation de ces EF ne permet pas de répondre à leurs besoins », a martelé Ibrahima Coulibaly, Président du Conseil d’administration du Réseau des organisations paysannes et de producteurs agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA).
En Afrique de l’Ouest, un besoin criant de 11 milliards USD par an
Rien qu’en Afrique de l’Ouest, l’agriculture familiale représente 60 % de l’emploi rural et assure l’essentiel de la sécurité alimentaire. Le ROPPA estime à 11 milliards USD par an les besoins financiers pour renforcer la résilience des exploitations familiales soit moins de 3 % des profits des géants mondiaux de l’agroalimentaire. Ce financement permettrait de soutenir la transition agroécologique, de renforcer les filets de sécurité ruraux et de faciliter l’accès des producteurs aux services climatiques numériques.
Sur ce montant, 8,66 milliards US seront utilisés pour encourager les pratiques durables et résilientes de production telles que l’agroécologie ; 2,26 milliards US pour soutenir les systèmes d’alerte précoce et les filets de sécurité adaptatifs tels que des systèmes d’assurance pour les récoltes ; et 0,19 milliard US pour les services numériques tels que les prévisions météorologiques localisées.
Pourtant, moins de 2 % des fonds agricoles mondiaux atteignent directement les agriculteurs familiaux ou leurs organisations. « Les effets du changement climatique ne sont plus des projections : ils sont vécus chaque jour », rappelle Ibrahima Coulibaly, évoquant les sécheresses, inondations et pertes de récolte qui ravagent le Sahel, la vallée du fleuve Sénégal ou le Bénin.
Les agriculteurs, acteurs de solutions
Face à cette injustice climatique, les producteurs ouest-africains inventent déjà leurs propres réponses : agroécologie et régénération des sols ; préservation et diffusion des semences paysannes résistantes ; diversification des cultures pour protéger la biodiversité et les revenus ; formation par les pairs et innovations locales. Mais faute d’accès au crédit et à des assurances adaptées, leurs initiatives restent fragiles. « Seuls 16 % des 1 800 banques interrogées en Asie du Sud, Asie du Sud-Est, Amérique latine et Afrique subsaharienne offrent des financements aux petits exploitants », souligne le rapport.
Un fonds mondial pour l’adaptation agricole
Pour combler ce fossé, le rapport et le ROPPA appellent à la création d’un Fonds pour la résilience et l’autonomisation des agriculteurs, géré directement par les organisations paysannes. Ce fonds faciliterait l’accès aux financements, encouragerait des assurances agricoles inclusives, et reconnaîtrait enfin le rôle central des exploitants familiaux dans les stratégies d’adaptation. Les experts y voient un investissement à haut rendement social, économique et environnemental : il permettrait de réduire les pertes agricoles, préserver des millions d’emplois ruraux, et diminuer les émissions en favorisant l’agroécologie.
Vers la COP30 de Belém : une promesse à tenir
Prévue au Brésil en décembre, la COP30 doit être un tournant pour l’adaptation agricole. Elle sera également un tournant pour la mise en place d’indicateurs de suivi des financements destinés aux petits producteurs. Pour le ROPPA, qui représente 30 millions d’exploitations familiales en Afrique de l’Ouest, l’enjeu est clair : que chaque dollar de la finance climat atteigne enfin celles et ceux qui nourrissent le continent. « Financer l’adaptation de l’agriculture familiale, c’est protéger la vie, la dignité et l’avenir de nos communautés rurales », conclut Ibrahima Coulibaly.
Pour rappel, cette conférence de presse de présentation du rapport s’est déroulée en visioconférence avec la participation des membres du Réseau des Journalistes pour la Promotion des Produits Agro-sylvo-pastoraux et Halieutique en Afrique de l’Ouest et du Sahel (ReJPAH-AOS). Ces derniers participeront à la promotion du rapport par une large diffusion.
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