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Kadidjatou Mama Guia, la doctorante des chips

Doctorante en gestion de l’environnement, Kadidjatou Mama Guia est une entrepreneure béninoise passionnée dans l’agroalimentaire. Elle transforme les bananes plantains et la patate douce en chips. Des aliments riches en vitamines, en micronutriments, produits et transformés au Bénin par une bonne frange des femmes. Parcours d’une entrepreneure engagée.

«Au Bénin, les légumes fruits et feuilles occupent plus d’un quart (27,8%) des exploitations pratiquant la production végétale. Il faut noter que 15,8% de ces exploitations sont dirigées par les femmes » (RNA). Même au niveau de la transformation, elles sont encore présentes. C’est le cas par exemple de Kadidjatou Mama Guia, diplômée à Houdégbé North Américan University of Bénin (HNAUB), à PK10.

Après l’obtention de sa licence en agronomie et son expérience en entreprise, Kadidjatou Mama Guia poursuit depuis peu un objectif plus grand : accéder au grade de docteur en gestion de l’environnement. Bien qu’inscrite en thèse, elle reste tout aussi engagée dans l’entreprenariat agroalimentaire. La banane et la patate sont les deux matières premières qu’elle transforme en chips pour vendre sur un marché qui, au départ, était limité aux collègues ou proches.

Tout a commencé avec les petites commandes par ses amis au boulot. Au fil du temps, elle a constaté l’intérêt de ses collègues pour ces chips, et décidé d’augmenter sa capacité de transformation. « Et c’est comme ça que ça a commencé avec les collègues qui en parlaient autour d’eux. ‘’Quand même ce que tu fais, c’est particulier’’, [me répétaient-ils] », déclare l’entrepreneure. C’est ainsi que l’idée de la création de GuiAgro, une entreprise agroalimentaire a germé.

Kadidjatou Mama Guia a alors quitté son emploi pour se consacrer entièrement à son unité de transformation. « J’ai pris le temps d’évaluer un peu. Avec la production que je fais, à la fin du mois, quand j’enlève toutes les dépenses. Ce qui me reste, comme économie, ça dépasse largement » le salaire qu’elle gagnait en tant qu’employée payée à 80 000 le mois. Engagée à plein temps dans son entreprise, GuiAgro officiellement enregistrée en 2022, elle s’approvisionne en bananes et patates généralement à Allada et à Zinvié.

L’expérience, elle l’a démarrée toute seule. Aujourd’hui, maximum trois personnes l’aident dans le processus en fonction de la taille de la commande. Les chips obtenues au bout de ce processus sont achetées en gros par des clients qui les revendent en détail. Ce qui permet à l’entrepreneure de s’en sortir « avec une marge de 20 à 25.000 francs ».

L’originalité des chips de GuiAgro est « cet arrière-goût » absent, selon la promotrice, dans ce qui est ordinairement vendu sur le marché. « Pour le moment, on se limite à des chips nature, juste le salé et puis épicé. L’ambition c’est d’avoir différentes saveurs sur le marché ».

Contre vents et marées

Dans l’exercice de ses activités entrepreneuriales, Kadidjatou Mama Guia est confrontée à des obstacles.. La matière première de qualité est indisponible au cours de certaines périodes de l’année. « Donc, à des périodes données franchement je stoppe la transformation de patates », a-t-elle souligné. Ce qui démunie ses revenus, ajouté au fait que parfois les huiles sur le marché ne « correspondent pas à la friture que je veux faire ». Mais qu’Kadidjatou arrive à s’adapter, aussi en termes d’accès au financement pour acquérir la matière première. Elle est obligée d’acheter à crédit chez ses fournisseurs « le temps de leur payer à la prochaine commande ».

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Kadidjatou Mama Guia au cours d’une exposition

Comme la plupart des femmes entrepreneures dans son milieu, Kadidjatou Mama Guia est aussi confrontée au manque de soutien de ses proches qui ne comprennent pas toujours ses choix. « Surtout quand j’ai laissé l’autre emploi. Alors que moi je ne me vois plus dans l’optique de prendre un emploi si ce n’est pas pour créer de l’emploi », déclare-t-elle. Kadidjatou Mama Guia rêve d’agrandir son entreprise et « avoir une plus grande clientèle » au Bénin et à l’extérieur. Ce qui passe par la soumission des produits au contrôle de qualité. Une étape qu’elle est sûre de franchir d’ici là.

Actrice de changement

Selon Kadidjatou Mama Guia, « le diplôme ne nous garantit pas l’emploi ». Le taux de chômage (2,4%, 2022) et le niveau de sous-emploi (72% et 90,1% d’actifs occupés dans l’emploi informel, 2022) au Bénin la confortent dans sa position. « Aujourd’hui, c’est très difficile de se faire une place en tant qu’employé. Puisque tout le monde attend forcément que l’Etat recrute », a-t-elle fait remarquer. Si elle a décidé de s’inscrire en thèse, c’est plus pour apporter des solutions aux agriculteurs que pour être employée.

« Je veux être aussi cette actrice-là qui puisse avoir un changement sur les aptitudes de nos producteurs agricoles. Surtout en milieu rural. C’est pour ça que d’habitude quand je prends un thème, c’est toujours lié à la production, comment trouver des solutions pour garantir déjà une meilleure fertilité des terres pour qu’ensemble, on puisse avoir de la matière à transformer ». Elle conseille aux femmes d’avoir des objectifs, d’avoir une planification pour savoir quand consacrer du temps à leur foyer ou à leur entreprise. « La femme, c’est la base même de tout développement », conclut Kadidjatou Mama Guia.

Auriol HOUDEGBE & Dorice AHOLOUKPE

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