Actualitésagro-business
A la Une

Bénin : Avec ‘’amon soja’’, Marguérite Djossou contribue à la sécurité alimentaire

Au Bénin, les femmes sont au cœur de l’économie. Elles jouent un rôle prépondérant dans tous les secteurs d’activité, y compris l’agriculture. Au niveau de quasiment toutes les chaines de valeur agricoles, notamment dans la transformation agroalimentaire, on les retrouve très engagées, au travers des années, malgré les contingences de l’environnement.

Un matin de bonne heure sans soleil mais éventé. Ce mercredi 6 mars, très tôt, à Alègléta une localité de la ville d’Abomey-Calavi, Marguérite Djossou, la quarantaine environ, corpulente, s’est vite mise au travail. C’est sa routine quotidienne depuis une dizaine d’années qu’elle est transformatrice de soja en fromage. Elle a d’abord travaillé un certain moment comme main d’œuvre pour d’autres femmes.

« C’est depuis dix ans que j’ai commencé cette activité. Je transforme archaïquement chaque jour un sac et demi de soja. J’en tire du fromage qui est ensuite vendu sur le marché par des distributeurs occasionnels contre une commission. Ces derniers ne sont pas toujours transparents dans le point des ventes. Par contre, certains sont honnêtes et reviennent avec un point fidèle », nous a confié Marguérite Djossou qui dit gagner généralement 5.000 mille francs par jour comme bénéfice. Elle fait aussi de la brochette du fromage de soja et se forme selon nos informations pour produire du lait du soja et autres dérivés. Mais il lui faut davantage de moyens.

Au début, cette transformatrice louait les matériels manquants. Progressivement, elle a commencé par investir dans l’achat de l’équipement de transformation. Cependant, elle manque toujours d’équipements même si ceux dont elle dispose actuellement lui permet quand même de satisfaire ses clients. « Au fil du temps, j’ai pris mon autonomie, les gens m’ont connue, et achètent désormais chez moi », nous raconte-t-elle en fon, une langue véhiculaire du Bénin, l’air déterminé, assise sur un tabouret au milieu de ses foyers en terre battue.

LIRE AUSSI Bénin : d’ici fin 2024, la GDIZ sera capable de transformer 600.000 tonnes de soja

Engagée malgré les difficultés

Marguérite se lance dans le processus de transformation d’un sac (et demi) de soja à 5 heures du matin. C’est vers une heure le lendemain qu’elle finit souvent les travaux. Elle se fait parfois aider par des mains d’œuvre occasionnelles qu’elle paie en fonction de leur expérience, souvent à partir de 1000 francs FCA (environ 1,66 dollar américain) la journée. La pénibilité du travail repousse les gens à l’y appuyer. Par conséquent, les mains d’œuvre, bien que pas trop couteuses, sont rares.

Ce couple venu soutenir Marguerite Djossou lors de notre visite fait un travail archaïque sans repos

A noter que la matière première, le soja n’est pas produit dans l’Atlantique. Si cette femme trouve généralement facilement cette légumineuse à acheter, même si c’est souvent dans le département du Zou ou dans le Nord-Bénin, l’accès à l’eau et au bois de fagot constituent sa bête noire. « Ce n’est pas du tout facile de puiser de l’eau dans ce puits vraiment difficile d’accès [le forage est situé dans une maison voisine, Ndlr]. Aussi, l’accès au bois de fagot n’est pas aisé. En période de pluie, c’est difficilement qu’on en trouve par des circuits sinueux contre de fortes sommes. », déclare notre hôte, pleine d’espoir. L’installation d’une pompe d’eau dans sa maison, qui est en même temps son lieu de transformation, assure-t-elle, lui serait de grande utilité.

Source: FICHE TECHNIQUE : TRANSFORMATION DU
SOJA EN FROMAGE DE SOJA (AMONSOJA) de ACMA 2

Malgré tout, Marguérite reconnait que la transformation du soja, une activité qu’elle aurait pu abandonner il y a longtemps, lui procure de quoi subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. « Le travail est jonché de difficultés et nécessite beaucoup d’investissement financier. Néanmoins, il nous permet de souscrire à des tontines pour nous constituer une réserve économique. Nous en tirons aussi le loyer, l’écolage des enfants et la popote. »

Cocou Florent Aziamahlé, étudiant à l’université d’Abomey-Calavi, est fils de Marguérite Djossou. Il apprécie la détermination de sa mère qui tient bon, par passion pour son travail. Un travail qui permet à sa génitrice de le soutenir financièrement quand il est dans le besoin. « Ce travail n’est pas facile, a beaucoup de protocole et il faut s’exposer au feu. Des fois, on cherche les mains d’œuvre qu’on ne trouve pas. Donc elle est obligée de faire tout, toute seule. Je l’aide parfois si je ne suis pas au cours », fait savoir le jeune homme d’un teint légèrement clair avec un menton couvert de barbes relativement touffues.

Bénin amon soja
Cocou Florent Aziamahlé, étudiant à l’université d’Abomey-Calavi, est fils de Marguerite Djossou

Au service de la sécurité alimentaire

Au Bénin, le fromage du soja est consommé par une bonne frange de la population. Très riche en protéine et en huile, il remplace dans le plat de certains Béninois, le poisson et la viande moins accessibles aux populations à faible revenu. « Ce qui permet de combler un certain nombre de vitamines que les couches vulnérables n’arrivent pas à obtenir », explique Morel Djonlonkou, ingénieur agronome, coordonnateur départemental de l’Atlantique de l’Union nationale des coopératives des transformateurs et transformatrices de soja du Bénin (UNCTS).

De même, le produit est prisé sur le marché local surtout pour son accessibilité à moindre coût (à partir de 24f cfa en petites coupures sous forme de losange) par les couches défavorisées. En dehors du fromage, le soja est aussi transformé en lait, en yaourt et en bouillie. Ces produits dérivés contribuent à la sécurité alimentaire qui implique un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive.

Bénin

Théophile Kintin est un consommateur fidèle du fromage de soja, un client de dame Marguérite, que nous avons surpris vers midi chez cette dernière. Il est enseignant dans une école non loin de la transformatrice et achète régulièrement ce fromage pour l’alimentation de ses élèves. A l’en croire, par son activité, la transformatrice contribue ainsi à la lutte contre l’insécurité alimentaire. Il plaide alors pour l’accompagnement technique et matériel de Marguérite Djossou en vue d’alléger ses difficultés.

Appel aux PTF

Comme des milliers d’autres femmes à travers le monde, Marguérite Djossou travaille au quotidien pour nourrir et impacter sa communauté. Avec un coup de pousse, elle pourra accroitre davantage son activité « Elle a besoin des équipements modernes de transformation de soja (moulin, tamis,…) et d’être formée à la bonne gestion financière pour améliorer son travail et son économie », plaide Théophile Kintin.

La plus grande difficulté qu’elle rencontre étant l’accès à l’eau, en investissant aussi dans l’installation d’une pompe d’eau destinée à la transformation de soja, les partenaires techniques et financiers (PTF) participeront ainsi à améliorer le revenu de Marguérite Djossou et à accélérer, par ricochet, le rythme du développement de la communauté. Ce que recommande d’ailleurs le thème de la journée internationale des droits de la femme de l’année 2024: « Investir en faveur des femmes : accélérer le rythme ».

Emmanuel M. LOCONON

LIRE AUSSI Bénin : soja mélangé aux cailloux et vendu à la GDIZ, des producteurs réagissent

Afficher plus

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page
%d blogueurs aiment cette page :

Adblock détecté

S'il vous plaît envisager de nous soutenir en désactivant votre bloqueur de publicité