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Crédit FNDA : « La procédure a été rapide et le taux était bon », témoigne Dominique Tovizounkou

Dominique Tovizounkou est gérant associé de l’entreprise Esop Adja-Ouèrè. La société, située à Massè, un arrondissement de la commune d’Adja-Ouèrè, transforme le riz paddy en riz blanc qui est ensuite commercialisé. En août 2023, elle a recouru au Fonds national de développement agricole (FNDA) pour accéder à un crédit d’investissement agricole à taux 2%. La procédure de demande a abouti rapidement, témoigne Dominique Tovizounkou, et avec les 20 millions levés, l’entreprise met en place un magasin sur un nouveau site pour stocker la matière première en vue d’une transformation à plein temps. Nous sommes allés à sa rencontre à Massè. Voici le fruit de nos échanges.

Agratime: Commençons par le début, que doit-on savoir de Esop Adja-Ouèrè ?

Dominique Tovizounkou: Esop Adja-Ouèrè est une entreprise de transformation et de commercialisation du riz paddy en riz blanc, que nous commercialisons sous la marque Délices. Nous existons depuis 2014. Bientôt nous allons fêter notre 10ème année de naissance. L’entreprise a été formalisée en 2019. Donc, conformément au texte, nous existons depuis 4 ans. En amont, nous accompagnons les producteurs en les structurant et en les organisant en petits groupes afin de les accompagner à produire le riz qui est de la variété IR 841. Pour avoir un produit fini de qualité, il faut avoir la matière première de qualité. C’est dans ce but que nous encourageons les producteurs en leur donnant les appuis techniques et financiers qu’il faut pour pouvoir produire le riz paddy de qualité. Et après, sur la base du contrat de production, nous rachetons cette matière première que nous stockons et après nous transformons puis commercialisons.

Vous avez alors, au bout de quelques années, senti le besoin de recourir à l’appui du FNDA pour accéder à un financement agricole. Quelle était votre capacité de production avant l’obtention de ce financement et qu’en est-il actuellement ?

Au démarrage, avec nos premiers équipements que nous avons installés, nous avons une capacité de production de 350 tonnes de riz paddy par an. Après deux ans, nous avons vu qu’avec le potentiel de production du riz paddy dans le milieu, avec les producteurs qui adhèrent à notre principe de production, nous avons vu que si on acquérait d’autres équipements et en construisant d’autres infrastructures, on peut aller au-delà de 1 000 tonnes. C’est dans ce cadre que nous nous sommes intéressés au Fonds National de Développement Agricole (FNDA), qui a accepté de nous accompagner à travers la mise en place d’un crédit d’investissement pour la construction d’un magasin.

Depuis que vous avez accédé à ce financement-là, vous avez atteint les 1000 tonnes ?

D’ici 2025, on pourra, avec ce potentiel, transformer les 1200 ou 1000 tonnes.

Nous avons acquis le crédit en août 2023. Ce crédit n’a pas encore eu son effet direct. Il faut construire le magasin et le mettre en utilisation. Le magasin est actuellement en construction sur notre nouveau site dans la commune d’Adja-Ouèrè. En effet, le site que nous avons actuellement est un peu restreint. Il faut noter que grâce à cet appui, nous sommes certains, en 2024, d’avoir un magasin qui peut contenir 500 tonnes. Du moment où on avait un magasin de 500 tonnes, si on finit de construire un magasin de 500 tonnes, on pourrait avoir la capacité de stockage de 1000 tonnes. Et les nouveaux équipements que nous avons eus par le biais d’autres projets nous donnent la capacité d’avoir au minimum 1200 tonnes de riz paddy à décortiquer annuellement. Pour cela, je pense que d’ici 2025, on pourra, avec ce potentiel, transformer les 1200 ou 1000 tonnes.

Est-ce que vous avez rencontré des difficultés, des obstacles, quand vous avez sollicité le FNDA pour vous appuyer ?

Dans notre pays, nous avons souvent des difficultés à avoir des crédits agricoles, surtout quand c’est un investissement. Mais pour le cas du FNDA, nous n’avons pas eu tellement de difficultés parce qu’il y a un projet derrière qu’on appelle le PADAAM (Projet d’Appui au Développement Agricole et à l’Accès au Marché) qui nous a accompagnés à mettre en place un plan d’affaires. Ce plan d’affaires a été homologué par les experts. Lorsque ce document a été soumis à la microfinance qui était chargée de nous mettre le crédit en place, le PADME (société pour la Promotion et l’appui au développement des micro-entreprises), nous n’avons pas tellement de difficultés avec les différents documents qui nous ont été demandés, surtout que notre entreprise est formalisée et légalement installée. Il faut noter que l’avantage que nous avons aussi eu, c’est que le plafond de crédit à mettre en place par l’Institution de microfinance (IMF), c’est 20 millions. Nous avons sollicité les 20 millions et les avons obtenus. C’est-à-dire que pour un premier crédit, on a obtenu le plafond grâce à l’appui du FNDA, avec le taux de bonification. Le crédit d’investissement normal, c’est 12% pendant trois ans. Mais avec l’appui du FNDA, on a obtenu un crédit de taux de 2%. Les 12% ont été considérés par l’IMF. Mais l’État a pris en charge 10%. Et nous entreprise, nous avons pris en charge 2%.

Il faut reconnaître que la procédure a été rapide et le taux était bon

Vous n’avez pas eu ‘’tellement’’ de difficultés mais vous en avez eu quand même…

On n’en a même pas eu à vrai dire, puisque nous faisons déjà des crédits auprès d’autres IMF. Mais dans ce cas précis, il faut reconnaître que la procédure a été rapide et le taux était bon. Ne serait-ce que les documents qu’on a cherchés de part et d’autre et qu’on a fournis.

D’aucuns estiment que quand on veut solliciter ces genres de financement, il faut forcément s’appuyer sur un bras politique. Est-ce que ce fut le cas chez vous ?

Je ne connais aucun homme politique. On sait que nous sommes au Bénin. Moi, je suis apolitique, je suis chef d’entreprise. J’ai des parents qui sont des hommes politiques. Mais aucun d’entre eux, si ce n’est pas grâce aux médias qu’ils apprennent, que mon entreprise a obtenu un crédit, personne n’a été au courant et je n’ai reçu l’appui de qui que ce soit. C’est le projet, le PADAAM, qui nous a accompagnés à avoir le plan d’affaires, à partir de ce plan d’affaires, on a obtenu le crédit sans aucun frais, sans aucun appui.

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Parlant de plan d’affaires, récemment le FNDA a annoncé le rendre non obligatoire dans les pièces exigées pour la constitution du dossier. Est-ce que ce plan d’affaires constituait en fait un blocage pour les promoteurs agricoles ?

Nos producteurs ne sont pas lettrés. Donc pour présenter un plan d’affaires, il faut nécessairement solliciter l’appui d’un expert ou d’une structure. Lorsque le plan d’affaires est déposé au niveau des IMF, il y a certaines analyses qu’elles font. Quand on constate qu’il y a quelques coquilles dans le plan d’affaires, ça constitue des allers-retours pour les producteurs. Tout cela peut prendre pratiquement deux mois avant de corriger et puis après de représenter pour que le crédit soit mis en place.

Récemment, j’ai appris que ce verrou a été levé, donc le producteur n’a plus besoin de présenter un plan d’affaires. J’ai accompagné d’autres producteurs qui ont bénéficié aussi des crédits FNDA, pour la production du riz paddy. Et là, on n’a pas du tout présenté des plans d’affaires. Le dossier a été conçu. L’IMF a envoyé une délégation sur le terrain, qui a constaté la production effective du riz et qui a confirmé. Les propriétaires sont entrés en possession de leurs sous. Ils ont produit et ils ont remboursé déjà. Et ici, ce qui est encore très avantageux, le taux de crédit est de 1% mensuel. Donc pour les 6 mois de crédit obtenu, les propriétaires ont payé 6%. Pour attester que lorsque le plan d’affaires a été rendu non obligatoire, cela a arrangé plus de producteurs. En moins de trois semaines, ils ont pu bénéficier du crédit agricole.

Sur la question de période de différé de six mois, accordée par les institutions financières dans le cas des crédits d’investissement, vous pensez aussi que ce délai est court ?

C’est selon le cas qu’on peut traiter les dossiers.

Nous allons contextualiser. Si le crédit obtenu va dans le cadre de la construction peut-être d’un magasin ou d’achat d’un équipement, ça dépend de la période de l’achat parce que quand vous prenez un crédit, il faut nécessairement lancer l’achat. Il y a des équipements qu’on n’achète pas au pays. Par exemple, il faut commander en Chine, au Japon, ou au Ghana et ainsi de suite. Lorsque l’achat va prendre un temps de 4 mois, 5 mois, 6 mois, tu prends le crédit, l’équipement n’est pas encore là, mais tu commences par rembourser. Ça constitue déjà des difficultés pour le producteur. Pour la construction par exemple d’un bâtiment, d’une infrastructure, où le crédit est obtenu, l’infrastructure n’est pas encore valorisée et on commence par rembourser le crédit, c’est toujours des difficultés pour le producteur et les chefs d’entreprise. Mais un différé de six mois, on ne peut pas tout de suite dire que c’est très peu. C’est déjà quelque chose parce qu’aucune IMF, sans l’appui du FNDA, ne peut vous donner un crédit avec un différé de six mois. Surtout quand il s’agit d’un crédit fonds de roulement. Fonds de roulement à notre niveau, le différé au plus est trois mois.

Parfois, on n’exploite même pas encore le crédit avant de commencer à rembourser. On prend encore dans le crédit pour rembourser le crédit, parfois. Un différé de six mois c’est très peu, selon d’autres. On peut négocier pour prolonger ça jusqu’à 12 mois. Mais selon le cas, si c’est un équipement acheté sur place, vous prenez les sous, vous allez directement sur le marché, vous achetez, deux semaines après, vous commencez à exploiter, je crois même que là, on n’a même pas besoin de différé. Ou au plus, un différé d’un mois, deux mois, c’est suffisant. Donc c’est selon le cas qu’on peut traiter les dossiers. On ne peut pas systématiquement dire que différé de six mois, c’est très peu pour tout le monde.

Quel impact a votre entreprise sur la communauté depuis que vous avez obtenu ce financement ?

L’impact est visible. Pour cette année particulièrement, les producteurs ont été joyeux. A notre niveau, ça nous a permis de garantir la matière première, parce que sans la matière première, l’entreprise n’est pas fonctionnelle. Ça a permis aux producteurs de produire à hauteur de leur capacité. Quant à l’entreprise, nous avons fait une évolution d’environ 60 à 70% en matière d’achat de la matière première.

Il y a 3 ans environ, lorsque nous achetons la matière première en novembre jusqu’en décembre, quand on commence la transformation en janvier, déjà en août ou plus tard, on cesse les activités parce que nous n’avons pas suffisamment de matières premières puisque le riz se produit en une seule grande campagne. A partir du moment où nous avons obtenu ce crédit, on a garanti les infrastructures, on a accompagné les producteurs à produire. En fait, lorsqu’on accompagne le producteur à obtenir du crédit, il est prêt aussi à vendre le riz à crédit. Cet impact n’est pas visible tout de suite. Donc cette année, on a garanti suffisamment de matières premières qu’on peut transformer 12 mois sur 12.

FNDA
La main d’œuvre féminine engagée dans la rizerie de Esop Adja-Ouèrè

Sur toute la chaîne, tout le monde est bénéficiaire de ce crédit que nous avons juste obtenu au niveau du FNDA.

Et en termes de création d’emploi ?

D’abord, quand je prends le producteur, celui qui produisait sur un hectare, du riz paddy, et qui a obtenu du financement pour produire sur deux hectares, il va solliciter plus d’employés. À notre niveau, nous qui avons quelques employés et travaillions sur 8 mois, maintenant, on peut travailler sur 12 mois. Ces employés seront gardés. Il y a les emplois indirects. Nous vendons sur environ 8 mois. Dans la vente, ceux-là qui distribuent nos riz, à un moment donné, n’ont plus de produits à vendre. Les chauffeurs qui transportent le riz, cette année, ils transportent régulièrement et garantissent au moins ces activités de leur côté. Il y a les chargements. Quand nous achetons par exemple 300 tonnes de matière première chez les producteurs, ceux qui assurent le chargement, ils vont prendre l’argent de 300 tonnes. On est allés à 700 tonnes cette année, ils vont tout charger. D’office, sur toute la chaîne, tout le monde est bénéficiaire de ce crédit que nous avons juste obtenu au niveau du FNDA.

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Est-ce que vous avez des difficultés dans la filière riz, surtout dans la transformation, que le FNDA ne perçoit pas encore, et que vous souhaiteriez porter à l’attention des autorités pour qu’elles agissent dans ce sens-là ?

Quand je prends le maillon production, la difficulté que nous avons aujourd’hui, est que les bas-fonds ne sont pas aménagés. Et si le FNDA pouvait voir dans ce sens, accompagner les producteurs à aménager leurs bas-fonds, le rendement par hectare serait meilleur. Aujourd’hui nous sommes à un rendement d’environ 3,5 tonnes. Lorsque le bas-fond du producteur est aménagé et qu’il a la maîtrise d’eau, il peut aller à 7 tonnes, voire 10 tonnes à l’hectare. Ce qui est sûr, il va réduire le prix de vente. Et quand il réduit le prix de vente, le transformateur achète à un moins de coût, il va vendre son produit aussi en diminuant le prix. Donc le consommateur sera satisfait. C’est clair.

Mais lorsque le bas-fond n’est pas aménagé, les conséquences sont un peu lourdes. Nous, à notre niveau, la transformation exige aujourd’hui qu’on ait des équipements performants. Les équipements que nous avons actuellement, on essaie de les utiliser, de maximiser leur rendement. Mais la difficulté principale que nous avons, c’est que les équipements viennent d’autres pays, surtout de la Chine. Les pièces de rechange ne sont pas disponibles. Quand un équipement tombe en panne, on n’a pas des techniciens qui maitrisent cet équipement.  Concrètement, il faut que le FNDA nous accompagne, nous les transformateurs, à avoir des moyens d’acquérir des équipements très performants, mais également accompagner les importateurs, pour avoir ces équipements disponibles sur le territoire national.

Pendant les années à venir, vous voyez le FNDA comme un instrument vraiment au service de l’agriculteur, surtout de la filière riz ?

Je peux le dire si les choses s’améliorent de jour en jour.

Je peux le dire si les choses s’améliorent de jour en jour. Parce qu’il y a certaines questions qui sont dépassées. Aujourd’hui, reconnaissons que le FNDA a fait un grand chemin. Je me rappelle, il y a depuis 2-3 ans que j’ai eu l’écho du FNDA. Des décisions ont été prises et les choses ont été améliorées. Nous avons fait encore plus de pas. Aujourd’hui, il faut encore évoluer. Actuellement, nous ne faisons pas crédit FNDA directement. Nous prenons par l’intermédiaire des IMF, les microfinances ou la banque. Quand on dit le fonds FNDA, il n’y a pas de dossier qu’on monte directement au FNDA. On va vers les IMF. Et ce sont ces IMF qui financent. En plus de la garantie financière de 50% du FNDA, il y a des garanties foncières que nous avons fournies pour assurer le remboursement.

En réalité, les IMF, les banques voient le producteur comme un commerçant. On traite le producteur comme tout le monde. Alors que ça ne devrait pas être le cas. Sans le producteur, le pays n’existera pas. On doit considérer le producteur comme le père, celui qui nourrit. Donc, si c’est lui qui nourrit, on doit lui rendre les conditions faciles pour qu’il ait le produit à mettre sur le marché. C’est par exemple diminuer le taux de crédit, les conditions de mise en place de crédit, la durée de remboursement, les montants à mettre en place, tout en sensibilisant également le producteur

Propos recueillis par Emmanuel M. LOCONON

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