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Agriculture régénérative, pour raviver les écosystèmes compromis [Entretien]

Tout le monde parle d’elle actuellement, l’agriculture régénérative serait la solution concrète pour relever les défis alimentaires présents et futurs. Elle adopte une approche globale dont la finalité, explique le spécialiste des systèmes de production durable des cultures, Ulrich Djido, cofondateur et responsable de l’entreprise BioLife – BioLife produit des intrants organiques pour une agriculture écologique intensive au Bénin -, est de redonner vie aux écosystèmes et pallier la crise environnementale. Lisez plutôt !

Que doit-on comprendre par ‘’agriculture régénérative’’ et qu’est-ce qu’elle n’est pas ?   

L’objectif de l’agriculture régénérative est de créer un système agricole hautement efficace et durable.

L’agriculture régénérative c’est une approche holistique qui prend en compte l’ensemble de l’écosystème, cette approche vise à augmenter la matière organique du sol, à accroître la biodiversité et à réduire la compaction du sol. Cette approche permet au sol de retenir davantage d’humidité et de nutriments, ce qui se traduit par des cultures plus saines nécessitant moins d’apports d’engrais synthétiques et de pesticides. De plus, les pratiques de l’agriculture régénérative se concentrent sur l’amélioration du processus de recyclage des nutriments en intégrant des cultures de couverture et des rotations de cultures, ce qui contribue à maintenir la fertilité du sol et à supprimer les maladies.

L’objectif de l’agriculture régénérative est de créer un système agricole hautement efficace et durable qui améliore la santé à long terme de l’environnement, tout en répondant aux besoins alimentaires et aux autres produits agricoles. L’agriculture régénérative n’est pas (01) basée sur l’utilisation intensive de produits chimiques, (02) centrée sur des monocultures à grande échelle, (03) uniquement axée sur les rendements à court terme et (04) dissociée de l’écologie et de la durabilité.

Qu’est-ce qui la différencie alors (pratiques promues, etc.) des agricultures conventionnelle et biologique ?

L’agriculture régénérative se distingue à la fois de l’agriculture conventionnelle et de l’agriculture biologique par ses pratiques et ses objectifs spécifiques.

Les principales différences sont les suivantes. Il s’agit d’abord des pratiques agricoles. En effet, l’agriculture régénérative met en œuvre un ensemble de pratiques spécifiques visant à restaurer et à régénérer les écosystèmes agricoles. Ces pratiques incluent plusieurs méthodes.

La première méthode est la rotation des cultures. Au lieu de cultiver une seule espèce de manière intensive, l’agriculture régénérative encourage la rotation des cultures (comme pratique pour diversifier les cultures) pour améliorer la fertilité du sol et réduire les risques de maladies et de ravageurs. L’autre méthode concerne les cultures de couverture telles que les légumineuses ou les graminées. Elles sont plantées entre les cultures principales pour protéger le sol, améliorer sa structure, augmenter la biodiversité et prévenir l’érosion.

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agriculture régénérative
Ulrich Djido : « L’agriculture régénérative encourage la rotation des cultures »

Il y a par ailleurs le travail du sol minimal. L’agriculture régénérative favorise des méthodes de travail du sol qui réduisent la perturbation de l’écosystème souterrain, comme le labour réduit ou l’utilisation de techniques sans labour. Pour ce qui est de la gestion des ressources naturelles, l’approche régénérative met l’accent sur une gestion durable de l’eau, des nutriments et de l’énergie, en utilisant des méthodes telles que l’irrigation économe en eau et la fertigation (l’apport d’engrais via l’eau d’irrigation).

L’autre différence de l’agriculture régénérative est ensuite liée aux objectifs environnementaux. Elle vise principalement à restaurer la santé des écosystèmes agricoles et à favoriser la régénération des sols, de la biodiversité et des ressources naturelles. Contrairement à l’agriculture conventionnelle, qui peut entraîner une dégradation des sols et une perte de biodiversité, l’agriculture régénérative vise à renverser ces tendances négatives.

L’agriculture régénérative adopte une approche à long terme, en cherchant à créer des systèmes agricoles résilients, durables et régénératifs. Elle considère l’agriculture comme faisant partie intégrante d’un écosystème plus large et cherche à promouvoir des pratiques qui bénéficient à la fois à l’environnement et aux communautés agricoles.

Il convient de noter que l’agriculture régénérative peut emprunter certains principes à l’agriculture biologique, tels que l’interdiction des pesticides chimiques et des engrais synthétiques. Cependant, l’agriculture régénérative va au-delà de ces pratiques en adoptant une approche plus holistique et en mettant l’accent sur la régénération des écosystèmes agricoles dans leur ensemble.

En quoi l’agriculture régénérative participe-t-elle de la préservation du carbone et de la lutte contre la désertification ?

L’agriculture régénérative promeut et encourage la biodiversité.

L’agriculture régénérative joue un rôle important dans la préservation du carbone et la lutte contre la désertification grâce à ses pratiques spécifiques. Du point de vue de la préservation du carbone, l’agriculture régénérative favorise le stockage du carbone dans les sols, ce qui contribue à réduire la concentration de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère, principal gaz responsable du réchauffement climatique.

Dans la pratique, on note une augmentation de la matière organique du sol. En fait, les pratiques de l’agriculture régénérative, telles que l’utilisation de cultures de couverture et la rotation des cultures, favorisent l’accumulation de matière organique dans le sol. Cette matière organique est composée de résidus végétaux et de déchets organiques qui se décomposent et se transforment en humus. L’humus est un composant clé qui retient le carbone dans le sol sur le long terme.

N’oublions pas aussi la réduction du labour intensif. En limitant le labour intensif et en favorisant des méthodes de travail du sol minimal, l’agriculture régénérative aide à préserver la structure du sol et à éviter la libération du carbone stocké dans le sol. Le labour intensif expose les couches profondes du sol à l’air, ce qui favorise la décomposition de la matière organique et la libération de CO2.

La réduction de la concentration du CO2 passe également par la favorisation de la photosynthèse. Les cultures de couverture et une plus grande diversité des cultures favorisent une plus grande photosynthèse, permettant aux plantes d’absorber davantage de CO2 de l’atmosphère et de stocker le carbone dans leurs tissus végétaux et dans le sol.

En ce qui concerne la lutte contre la désertification, on peut d’abord entendre la désertification comme un processus de dégradation des terres qui conduit à la formation de déserts et à la perte de productivité agricole. L’agriculture régénérative contribue à la lutte contre la désertification de plusieurs manières.

Primo, en préservant la couverture végétale. Les cultures de couverture et les méthodes de travail du sol minimal aident à préserver la couverture végétale sur les terres agricoles. Cela réduit l’érosion éolienne et hydrique, empêche le lessivage des sols et maintient la structure et la fertilité du sol. Secundo, en améliorant la rétention d’eau. Les pratiques de l’agriculture régénérative, telles que l’ajout de matière organique au sol et la gestion de l’eau, améliorent la capacité du sol à retenir l’eau. Cela réduit le risque de sécheresse des sols et favorise une meilleure disponibilité de l’eau pour les plantes. Tertio, l’agriculture régénérative promeut et encourage la biodiversité en favorisant la présence d’une plus grande variété de plantes, d’insectes bénéfiques et d’animaux. Cette biodiversité contribue à maintenir l’équilibre écologique et à prévenir la dégradation des terres.

Comment cette pratique contribue-t-elle manifestement à la résilience des ménages agricoles béninois face au changement climatique ?

Grâce à des sols sains et riches en matière organique.

L’agriculture régénérative contribue à la résilience des ménages agricoles béninois face au changement climatique de plusieurs manières. Tout d’abord, elle renforce leur capacité à résister aux conditions climatiques extrêmes grâce à des sols sains et riches en matière organique, qui retiennent mieux l’eau et résistent à la sécheresse et aux inondations. De plus, en encourageant la diversification des cultures, elle permet aux agriculteurs de mieux faire face aux fluctuations climatiques et aux risques spécifiques à certaines cultures.

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agriculture régénérative
Ulrich Djido : « L’agriculture régénérative améliore la sécurité alimentaire »

L’agriculture régénérative améliore également la sécurité alimentaire en améliorant la fertilité du sol et en augmentant la productivité agricole, réduisant ainsi la dépendance aux importations alimentaires et renforçant la résilience face aux fluctuations des prix des denrées alimentaires. Les pratiques régénératives offrent également une diversification des revenus grâce à des activités telles que l’agroforesterie, ce qui réduit la vulnérabilité économique des ménages agricoles face aux impacts du changement climatique.

Enfin, l’agriculture régénérative permet aux agriculteurs d’accéder à des marchés plus rémunérateurs en répondant à la demande croissante de produits agricoles durables et respectueux de l’environnement. En adoptant ces pratiques, les ménages agricoles béninois renforcent leur résilience et leur capacité à faire face aux défis du climat changeant.

Dans quelle mesure peut-on espérer pallier la crise alimentaire et assurer l’autosuffisance alimentaire grâce à l’agriculture régénérative ?

L’agriculture régénérative rend l’agriculture économiquement viable et accessible aux agriculteurs.

L’agriculture régénérative peut jouer un rôle crucial dans la palliation de la crise alimentaire et la réalisation de l’autosuffisance alimentaire. En favorisant des sols sains et fertiles, elle améliore la productivité agricole et permet une plus grande diversité des cultures, réduisant ainsi les pénuries alimentaires. De plus, elle renforce la résilience des systèmes agricoles face aux aléas climatiques tels que les sécheresses et les inondations.

En réduisant la dépendance aux intrants externes coûteux, elle rend l’agriculture économiquement viable et accessible aux agriculteurs, favorisant ainsi l’autosuffisance alimentaire. Elle encourage également la production alimentaire locale adaptée aux besoins des communautés, réduisant ainsi la dépendance aux importations alimentaires.

En soutenant les petits exploitants agricoles dans l’adoption de pratiques durables et rentables, elle renforce leur résilience économique et contribue à la sécurité alimentaire à l’échelle locale. L’agriculture régénérative offre donc des solutions concrètes pour répondre aux défis alimentaires actuels et futurs.

Propos recueillis par Emmanuel M. LOCONON

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