Pour un besoin global estimé à 21 mille tonnes de semences de maïs, l’offre semencière nationale en maïs serait actuellement de l’ordre d’environ mille tonnes au Bénin. Très peu comme c’est pratiquement le cas dans les autres cultures y compris la production maraichère où la disponibilité et l’accessibilité aux semences de qualité demeurent une équation difficile à résoudre. C’est dire que le secteur semencier au Bénin, bien que les acteurs travaillent pour son développement, reste encore embryonnaire. En marge d’un atelier de formation des semenciers béninois, Dr Etienne Adango, chef du service national semencier à la direction de la production végétale du ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche basée à Porto-Novo, a accordé à Agratime cet entretien qui fait le tour d’horizon du secteur. Lisez plutôt !
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Agratime : Aujourd’hui, quel est l’état des lieux du secteur semencier dans la sous-région ouest-africaine et notamment au Bénin ?
Dr Etienne Adango : Au Bénin, les semences améliorées et les semences certifiées sont utilisées par les producteurs, mais le taux de couverture à ce jour n’est pas important. C’est-à-dire que la couverture des emblavures en semences certifiées n’est pas aussi importante que ça. Nous sommes présentement autour de 10% pour ce qui concerne les semences certifiées. Maintenant, si on considère les semences améliorées – ce sont les variétés améliorées que les gens prélèvent dans leur production pour reproduire parce qu’ils sont partis des semences certifiées – le taux est beaucoup plus élevé.
La terminologie que nous avons présentée aujourd’hui [à l’occasion de la formation nationale du réseau des femmes et des jeunes sur les techniques de production de semences et de la gestion efficiente des entreprises semencières du Bénin] a beaucoup mis l’accent sur le rôle du secteur privé dans le développement de l’entreprise semencière dans la sous-région ouest-africaine. Nous avons noté qu’aujourd’hui il y a beaucoup d’acteurs privés qui se lancent dans la production semencière.
Au Bénin aussi, nous avons un nombre important de privés qui sont dans la production semencière. Il y en a qui se sont constitués en entreprise semencière de production, de distribution, d’importation de semences. Mais ce que nous avons noté, c’est que pour que les semences puissent vraiment jouer le rôle qui est le leur en ce qui concerne l’amélioration de la productivité, il faut que beaucoup de petits producteurs aient accès aux semences certifiées et à un coût moindre. Pour ce faire, il va falloir qu’il y ait la création de nouvelles variétés. Et ce rôle, avec la règlementation semencière actuelle, est un rôle qui est beaucoup plus dévolu aux entreprises privées. Bien vrai les institutions de recherche publiques peuvent également jouer ce rôle, mais le secteur privé est beaucoup plus concerné à cet effet.
En Afrique de l’Ouest, nous avons noté qu’il n’y a pas beaucoup d’entreprises semencières qui réalisent cette activité de production de semences, de développement, de création des variétés des semences. Ce qui fait que nous avons encore en production des variétés de semences âgées de plus de cinq (5), de dix (10) voire de près de vingt (20) ans. Or, si la machine tournait bien, s’il y avait régulièrement de création de nouvelles variétés, les anciennes variétés vont céder la place à de nouvelles variétés qui auront peut-être plus de performance que les vieilles variétés.
Vous avez martelé, le privé a un rôle prépondérant dans le développement du secteur semencier. Et le secteur public alors, l’Etat a quel rôle à jouer notamment en ce qui concerne la recherche scientifique ?
Au niveau de la chaine semencière, l’Etat est responsable du contrôle de qualité, de la certification au niveau de la recherche. Les recherches nationales étant financées dans nos pays par l’Etat, il a un rôle important à jouer dans la création des variétés. A côté de la recherche, il peut avoir des privés pour jouer ce rôle. L’Etat doit accompagner les compétences disponibles au niveau, dans notre cas, de l’Institut national des recherches agricoles du Bénin (Inrab), pour leur permettre de pouvoir mettre en application cette connaissance qu’ils ont, c’est-à-dire la création de variétés.
La difficulté au niveau de nos institutions de recherche nationales, ce sont les questions de financement. Donc l’Etat doit accompagner les chercheurs pour qu’ils puissent créer, développer de nouvelles variétés afin de pouvoir remplacer les variétés qui méritent d’être remplacées. Il devrait mettre les moyens à disposition et accompagner la recherche dans ce sens. Si les instituts nationaux de recherche dans nos pays ne sont pas accompagnés, il leur sera difficile de créer de nouvelles variétés et ainsi contribuer à l’amélioration de la production et de la productivité et à l’atteinte de l’objectif [de développement durable] de lutte contre l’insécurité alimentaire dans nos pays.
Qu’appelle-t-on semence et quels en sont les différents types ?
Les semences, pour être plus simple, c’est tout ce qu’on peut utiliser pour reproduire, faire la production agricole. Maintenant dans les semences, nous avons, dans notre contexte, les semences améliorées, les semences certifiées et les semences de faine c’est-à-dire les semences traditionnelles.
Mais quand nous rentrons dans la chaine de production semencière formelle, les catégories de semences que l’on retrouve sont les semences de prébase qui sont multipliées, produites au niveau de la recherche dans nos contextes et que les grandes firmes semencières peuvent également produire. Nous avons les semences de base qui sont produites par les entreprises semencières. Dans nos contextes, il y a les fermes semencières qui produisent ça également. Enfin, les semences certifiées produites par les producteurs de semences individuels, les coopératives, les entreprises, et qui sont utilisées pour la production de masse. Ce sont elles qu’on utilise pour produire tout ce qui est produit agricole vendu sur le marché et que les gens utilisent directement pour la consommation, la transformation et autres.
Est-ce que les organismes génétiquement modifiés sont aussi des semences, et pourquoi le Bénin est-il si hostile aux OGM ?
Il y a des semences OGM. Mais c’est la façon dont ces produits sont obtenus qui fait que beaucoup d’Etats ne sont pas prêts [à les adopter]. En effet, ce sont des produits qui sont obtenus à partir de la manipulation des végétaux et des animaux. C’est-à-dire qu’on prend des produits des animaux qu’on incorpore aux végétaux pour avoir un produit dont on ne sait pas si c’est par la dénomination végétale qu’on va l’appeler ou bien c’est animal, c’est un mélange. Donc ce que ça pourrait avoir comme conséquence, ce n’est pas bien maîtrisé. Raison pour laquelle beaucoup de pays ne sont pas pour leur utilisation.
Un mot sur le Règlement C/REC.4/O5/2018 relatif aux semences végétales et plants dans l’espace CEDEAO
Le Règlement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) est un règlement qui a été pris par les Etats membres de la communauté plus deux pays qui ne sont pas membres de la CEDEAO (le Tchad et la Mauritanie qui sont membres du CILSS, Comité inter-Etats de lutte contre la sécheresse au Sahel).
L’objectif du Règlement est d’harmoniser les règles de production de contrôle de qualité et de commercialisation des semences dans les Etats membres afin de faciliter les échanges des semences entre ces pays-là sans difficulté. Ainsi, un pays qui produit plus peut servir un pays qui en a besoin mais qui n’en a pas beaucoup. Cela va faciliter la création d’emplois dans les pays qui ont de grands potentiels de production et permettre aux autres pays qui n’en ont pas d’accéder aux semences de qualité pour améliorer leur niveau de production.
Enfin, quel est l’impact des semences de qualité sur l’amélioration de la productivité agricole ?
Les semences de qualité contribuent à l’amélioration de la production et de la productivité agricoles de l’ordre de 35 à 40%. En fait, ça dépend des espèces. Mais la contribution des semences va dans ce sens-là. Donc en les adoptant, il y aura amélioration de la productivité et on pourra facilement atteindre l’objectif de réduction de la pauvreté et la lutte contre l’insécurité alimentaire dans notre région.
Propos recueillis par Emmanuel M. LOCONON