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Engrais en Afrique : vers un partenariat public-privé pour surmonter les défis agricoles

L’Union africaine (UA) a tenu, du mardi 7 au jeudi 9 mai 2024, un Sommet africain sur les engrais et la santé des sols à Nairobi. A cet effet, des voix éminentes du secteur agricole ont convergé vers un objectif commun : renforcer l’agriculture en Afrique pour garantir la sécurité alimentaire et promouvoir la prospérité économique. Des propositions ont émergé pour susciter le partenariat public-privé afin de faciliter l’accès aux engrais des producteurs.

« Le potentiel est là et il est énorme », a déclaré Mounir Halim à Rfi, parlant de la capacité de l’Afrique en matière de production d’engrais. Il en veut pour preuves la disponibilité du gaz, du phosphate, de la potasse, des éléments primaires pour les engrais. Ainsi donc, « le problème, ce n’est pas la disponibilité des produits », a poursuivi le fondateur et directeur d’Afriqom, une agence d’information spécialisée sur le marché des engrais en Afrique; c’est plutôt que le continent n’arrive pas encore « à construire des investissements de milliards de dollars ». Par conséquent, il dépend selon la Banque mondiale à près de 90% des importations pour combler ses besoins en intrants. Pour Mounir Halim, les secteurs public et privé doivent se donner la main. Les Etats doivent adopter des réglementations favorables à l’investissement pour attirer les capitaux nécessaires au développement du secteur.

Cette vision de collaboration et d’innovation a trouvé écho dans les propositions ambitieuses présentées par le Maroc lors du sommet sur les engrais et la santé des sols. Sous la direction du ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, le Maroc a dévoilé quatre projets majeurs visant à renforcer l’agriculture en Afrique. Ces initiatives comprennent la création d’un Consortium africain pour l’innovation en agriculture, un Programme panafricain de formation et de certification en gestion des sols, une Initiative de financement des infrastructures agricoles vertes et la mise en place d’un Observatoire africain des données et analyses des sols.

Parallèlement, l’Algérie, 5è pays exportateur d’engrais au monde, a également présenté une proposition significative lors du sommet. Le pays met l’accent sur la nécessité du gaz naturel dans la production d’engrais agricoles. À travers ses initiatives, l’Algérie cherche à soutenir les efforts des producteurs de gaz et à encourager la production de gaz en tant que substance essentielle dans la fabrication d’engrais agricoles.

Dans ce contexte, le Sommet africain sur les engrais et la santé des sols a marqué une étape importante dans la promotion d’une agriculture durable et prospère sur le continent. En réunissant les parties prenantes et les acteurs clés du secteur agricole, ce sommet a permis d’aborder en profondeur les défis et les opportunités qui se présentent à l’Afrique dans sa quête pour une agriculture plus résiliente et plus productive.

Point culminant du Sommet africain sur les engrais et la santé des sols, la Déclaration de Nairobi, approuvée par les dirigeants, met l’accent sur la nécessité de partenariats et d’investissements pour promouvoir la gestion durable des engrais et des sols. Elle comprend treize engagements, notamment le triplement de la production et de la distribution d’engrais certifiés d’ici 2034, la promotion de recommandations agronomiques ciblées pour les petits exploitants et le soutien financier par le biais du Mécanisme africain de financement des engrais (AFFM). Un mécanisme qui permettra à l’Union africaine de réaliser son Plan d’action décennal pour les engrais et la santé des sols et l’Initiative des sols pour l’Afrique.

Alors que les pays africains s’efforcent de relever les défis agricoles, la collaboration régionale et internationale jouera un rôle essentiel dans la réalisation de ces objectifs communs. En unissant leurs forces et en partageant leurs connaissances et leurs ressources, les pays africains peuvent surmonter les défis actuels et ouvrir la voie à un avenir agricole plus prometteur pour le continent.

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La production d’engrais en Afrique

La production annuelle d’engrais en Afrique est évaluée à environ 30 millions de tonnes en 2022. Le Nigéria, l’Algérie, le Maroc, l’Egypte ou l’Afrique du Sud sont les grands producteurs sur le continent. Cependant, à part le Maroc qui exporte plus que 20 ou 30% de sa production en Afrique, les autres pays sont tournés vers le marché hors du continent. Le cas de l’Algérie, « ça, c’est un peu décevant : pratiquement, je dirais 0% qui part vers l’Afrique. La même chose pour l’Egypte », déplore Mounir Halim.

En Afrique de l’Ouest, le Nigeria émerge sur le marché des engrais. L’usine d’engrais du milliardaire Aliko Dangote (Dangote Fertilizer Plant) devrait pouvoir produire 3 millions de tonnes d’intrants par an. Mais elle se concentre plutôt sur le marché brésilien contrairement à sa concurrente locale, Indorama. « Indorama fait beaucoup de distribution au Nigeria et un peu aussi sur l’Afrique de l’Ouest », informe Mounir Halim.

Le choc du Covid-19 et de la guerre russo-ukrainienne a dévoilé la fragilité de l’Afrique et l’urgence pour le continent de s’autosuffire en engrais. La flambée des coûts des fertilisants a largement éprouvé et continue d’éprouver les producteurs africains, déjà confrontés aux changements climatiques avec leur lot de dégradation des sols, de sécheresse, de ravages d’insectes et d’inondation. Des propositions formulées au sommet de Nairobi sur les engrais et la santé des sols, se profile l’urgence pour les grands producteurs et les dirigeants africains de revoir leur stratégie pour tripler la production et faciliter la disponibilité des engrais au dernier kilomètre du continent.

« Nous avons besoin de stratégies durables pour rendre les engrais plus abordables et accessibles. L’amélioration de la logistique du dernier kilomètre pour la distribution d’engrais est tout aussi essentielle. De plus, il est impératif de renforcer les capacités des agriculteurs pour une utilisation efficace des engrais et l’amélioration de la santé des sols », a laissé entendre Dr William Ruto, président de la République du Kenya.

Par ailleurs, l’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA), une coalition continentale d’organisations de la société civile recommande aux décideurs de prioriser l’agroécologie, d’investir dans la recherche et les services de vulgarisation agroécologiques, de promouvoir la production d’engrais biologiques et d’éliminer progressivement les engrais chimiques importés. L’AFSA appelle à une approche plus holistique et participative pour relever les défis de la sécurité alimentaire et de la santé des sols en Afrique.

Emmanuel M. LOCONON

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