Agronome, auteur, spécialiste en accès inclusif au financement agricole. La triple casquette de José Herbert Ahodode légitime à plus d’un titre son engagement au service du développement agricole en Afrique et particulièrement au Bénin, son pays d’origine. Engagé par ailleurs dans la Société civile (de jeunesse) aux plans national et continental, il a co-fondé Crystal Agri Business. L’entreprise travaille constamment pour contribuer à l’amélioration des revenus des producteurs agricoles. A travers cet entretien accordé à Agratime, José Herbert Ahodode aborde la vision, les accomplissements et les perspectives de Crystal Agri Business. Lisez plutôt.
Agratime : Quel était le moteur derrière la création de Crystal Agri Business et la plateforme Agri Store ?
Dans nos démarches d’accompagnement, nous faisons l’expérience et nous ne sommes pas des conseillers agricoles « sans fermes »
José Herbert Ahodode : Après dix années au service des acteurs agricoles, mes expériences personnelles et professionnelles m’ont fait comprendre la nécessité de mieux accompagner les différentes parties prenantes des filières et chaines de valeur agricoles. C’est ainsi que nous avions lancé l’entreprise en 2018. Par suite de plusieurs mutations, Crystal Agri Business est devenue une SARL en 2023 avec, aujourd’hui, 05 associés. Nous disposons d’exploitations agricoles à Bohicon et Bassila où nous avons associé l’apiculture aux productions agricoles. Ainsi, dans nos démarches d’accompagnement, nous faisons l’expérience et nous ne sommes pas des conseillers agricoles « sans fermes ». C’est face à l’enjeu d’écoulement des différentes spéculations agricoles que l’équipe a décidé de lancer une place de marché. La conception de l’espace virtuel AgriStore est née de cette volonté d’écouler nos productions agricoles et ceux de nos partenaires. Ces partenaires sont des fournisseurs avec qui nous menons des démarches de contractualisation. Le véritable défi est de trouver des clients que ce soit au Bénin, en Afrique et ailleurs. C’est notre travail quotidien et l’aventure se poursuit.
Pouvez-vous expliquer comment Agri Store, que vous êtes en train de déployer, contribue à résoudre des défis spécifiques dans le secteur agricole au Bénin ?
Nous déployons une solution facile d’usage où vous pouvez simplement acheter les produits agricoles et agro-alimentaires de votre choix.
C’est une excellente question à laquelle nous avons été confrontés lors d’un pitch récemment. En réalité, nous avons constaté que l’accès aux marchés de produits agricoles et agro-alimentaires constituait un casse-tête pour les entrepreneurs y compris nous-mêmes (pour les productions de nos associés). Avant de lancer la recherche de développeurs pour concevoir la place de marché AgriStore, nous avons dénombré une dizaine d’entreprises e-commerce de produits agricoles et agro-alimentaires au Bénin. Mais le besoin est encore loin d’être résolu. Les discussions avec quelques entrepreneurs de notre réseau ont montré la pertinence d’avoir une solution de proximité mais qui permette aussi d’élargir les horizons commerciaux vers d’autres pays. Nous avons la chance d’avoir des membres de l’entreprise qui ont des attaches à l’étranger ; c’est une véritable force pour nous. Par ailleurs, en faisant un sondage pour recueillir des fournisseurs intéressés, nous avons eu, en une semaine, une centaine d’entrepreneurs agricoles et agro-alimentaires qui se sont inscrits dans notre base de données. Ainsi, nous y voyons une opportunité de contribuer à un secteur en plein essor au Bénin. C’est une mission dans laquelle nous nous engageons avec connaissance des enjeux. Ainsi, nous déployons une solution facile d’usage où vous pouvez simplement acheter les produits agricoles et agro-alimentaires de votre choix. Nous avons la responsabilité de vous livrer dans un bref délai. Ce qui garantit un gain de temps pour vous et vous libère des tracasseries inutiles. Pour les zones de proximité de notre siège social, nous avons internalisé les livraisons et nous faisons appel à des partenaires logistiques pour les cas de livraison sur de longues distances. A la fin de la transaction, chaque partie prenante est satisfaite et l’entreprise est rémunérée sur des commissions perçues.
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Quelles stratégies avez-vous mises en place pour faciliter la participation des organisations professionnelles agricoles sur votre plateforme ?
Nous ne publions que des produits dont les stocks sont disponibles.
Nous avons, au sein de l’entreprise, des associés ayant cumulé de multiples expériences au service des organisations paysannes au Bénin. Ainsi, nous avons basé notre approche de collecte de données « Fournisseurs » sur lesdites organisations. Plusieurs coopératives et Groupements sont donc en train de nous rejoindre pour confier les productions agricoles. Etant une place de marchés, AgriStore collabore aussi avec des entrepreneurs agricoles individuels et des entrepreneurs agro-alimentaires. Ce qui explique la grande variabilité des produits sur notre plateforme. Le déploiement se poursuit et AgriStore est très dynamique car nous ne publions que des produits dont les stocks sont disponibles. Ainsi, il n’y a pas de risques qu’une commande effectuée sur le site ne soit pas livrée car si le stock n’était pas disponible chez le fournisseur, le produit ne serait pas visible en ligne. Le travail se poursuit avec les OPA surtout pour répondre aux besoins de grands volumes pour des produits agricoles préalablement destinés à l’exportation ou au secteur industriel.
Quels sont les défis potentiels liés à la vente en ligne des produits agricoles, et comment votre entreprise prévoit-elle de les surmonter ?
Nous avons vocation de nous internationaliser dans des espaces ou acheter un produit de consommation en ligne n’est pas un frein.
L’un des grands défis de l’e-commerce (de produits agricoles) est lié à la crise de confiance entre les usagers d’internet et la vente en ligne. L’histoire récente fait coller au Bénin, un pays d’arnaqueurs. Ce qui n’arrange pas forcément le business. Cela nous implique dans la conscientisation quotidienne. Mais au-delà de servir la population béninoise, nous avons vocation de nous internationaliser dans des espaces ou acheter un produit de consommation en ligne n’est pas un frein. Une fois cette barrière levée, nous avons le défi de communication permanente ; des efforts ont été consentis en 2023 pour mieux alimenter notre site internet et nos différents réseaux sociaux. Nous poursuivrons dans cette dynamique en apprenant des échecs et réussites. Un autre élément qui constitue un défi majeur est la grade périssabilité de certains produits agricoles. C’est pour cela que nous n’avons pas misé sur la constitution de stocks ; nous récupérons les produits une fois la commande effectuée et nous livrons le client. En revanche, sur des produits céréaliers et autres produits agricoles tropicaux, nous prévoyons des stocks « tampon » sur tout le territoire national. Ce qui nous faciliterait les ventes et permettra aussi de raccourcir les délais de livraisons. Déjà, nous avons une présence à Abomey Calavi (siège), à Bohicon et Bassila. Progressivement, nous allons nous étendre à d’autres régions en fonction des zones de concentration de nos activités et de la présence des partenaires.
En quoi la dimension socio-économique est-elle intégrée dans vos services et comment cela impacte-t-il les acteurs du secteur agricole au Bénin ?
Nous avons une démarche axée sur des exploitants agricoles privés.
L’un de nos corps de métiers est le conseil agricole. Notre équipe est consciente que la propension des producteurs agricoles à payer le conseil agricole est marginale dans un contexte national marqué par la libéralisation du conseil agricole. Ainsi, nous avons une démarche axée sur des exploitants agricoles privés qui sollicitent nos services d’accompagnement dans la gestion des exploitations. Ils gagnent doublement parce qu’en bénéficiant de notre expertise, nous nous occupons de l’accès aux marchés de leurs différentes productions ; ce qui est un avantage. En ce qui concerne les tarifs, nous avons des prix très modulables aux besoins et au contexte économique de nos clients. L’un des avantages dont nous disposons chez Crystal Agri Business, c’est que nous avons travaillé sur plusieurs années avec les acteurs du secteur agricole béninois et nous connaissons les réalités socio-économiques. Qu’il ne vous échappe pas que nous avons, dès le début, pensé à une responsabilité sociétale (RSE). C’est une démarche que nous avons finalement externalisée pour éviter le conflit entre le business et le social. Ainsi, pour notre contribution bénévole aux enjeux du secteur, nous avons mis en place une structure à vocation d’offrir des renforcements de capacités à but non lucratif. Ainsi, nous avons des clients que nous facturons pour nos services et selon les budgets et nous avons des bénéficiaires qui profitent de nos expériences gratuitement. Nous avions déjà organisé – les années précédentes – des sessions de formations au profit des Etudiants en Agronomie à l’Université de Parakou et l’Université d’Abomey-Calavi. Nous poursuivrons dans cette dynamique en trouvant le juste équilibre entre construire une entreprise forte et créatrice de valeur ajoutée et contribuer à la société (civile). Pour y parvenir, nous avons besoin de partenariats multiples. Car c’est ensemble que nous allons relever les défis du secteur agricole.
Quels sont les résultats attendus par Crystal Agri Business sur le marché virtuel, tant à court terme qu’à long terme ?
Être un partenaire de choix pour l’approvisionnement en produits agricoles et agro-alimentaires.
Comme dit plus haut, nous recherchons activement des débouchés pour les produits agricoles et agro-alimentaires. La vocation première de la plateforme AgriStore est de connecter le consommateur au producteur. Nous faisons face à un enjeu de traçabilité pour les gros volumes et nous travaillons à formaliser une entente avec une start-up spécialisée. Ainsi, en termes de résultats attendus, nous envisageons prendre une place de choix dans l’alimentation saine des populations béninoises via nos produits certifiés par notre système de contrôle. Mieux, nous envisageons être un fournisseur de confiance pour les industriels et autres parties prenantes intéressées par les produits agricoles et agro-alimentaires « Made in Benin ». Nous misons aussi sur les marchés des pays de la sous-région, en Afrique mais aussi en Europe et sous d’autres continents, une fois les barrières logistiques inhérentes à l’export levées. L’une de nos ambitions, d’ici quelques années, sera d’être un partenaire de choix pour l’approvisionnement en produits agricoles et agro-alimentaires. Nous y travaillons au quotidien et nous souhaitons avoir des partenaires de référence pour faire face à nos défis quotidiens. La maitrise de la chaine logistique, la confiance entre acteurs et investisseurs sont des enjeux sur lesquels nous continuons de travailler ainsi que la gestion de stocks de produits.
Comment votre entreprise mesure-t-elle son impact social et économique, en particulier en ce qui concerne les agriculteurs et les organisations professionnelles que vous accompagnez ?
Pour le moment, notre priorité est de contribuer à l’amélioration des revenus des producteurs agricoles.
Crystal Agri Business est dans une nouvelle phase de son parcours entrepreneurial et ce nouveau cheminement a démarré en 2023 avec des associés qui partagent une vision commune pour le secteur agricole. De nouvelles dynamiques vont se mettre en place en 2024 et les années d’après. Pour l’instant, nous ne sommes pas encore à l’étape de mesurer l’impact. Nous nous concentrons sur nos cœurs de métiers. Ainsi, d’ici quelques années, nous serons à même de mieux mesurer l’impact surtout grâce à nos résultats vérifiables sur le terrain. Des équipes et des consultants pourront travailler à la mesure d’impact au moment opportun. Pour le moment, notre priorité est de contribuer à l’amélioration des revenus des producteurs agricoles, de nos partenaires du quotidien.
Comment Crystal Agri Business s’engage-t-elle concrètement dans le développement des chaînes de valeur agricole et quels efforts spécifiques sont déployés pour favoriser l’inclusion des jeunes dans le secteur agricole au Bénin ?
De la ferme à l’assiette, nous nous engageons au service des acteurs agricoles.
« Rendre l’Agriculture sexy » est un véritable enjeu pour les acteurs. Nous avions travaillé avec plusieurs organisations ayant à cœur la relève agricole. Le constat est effarant : les jeunes se désintéressent de plus en plus de l’agriculture. C’est désolant de constater que nos villages se vident et l’exode rural n’est pas un problème d’aujourd’hui. La force productive migre vers les villes ou d’autres horizons incertains frôlant parfois la mort à la recherche de lendemains meilleurs. Alors qu’il est possible de profiter des énormes potentialités de l’Agriculture. Nous avons donc, en tant qu’entreprise, une responsabilité dans la conscientisation des jeunes. C’est pour cela que nous avons lancé une organisation qui fera focus sur cet engagement social et communautaire. Ainsi, de la ferme à l’assiette, nous nous engageons au service des acteurs agricoles. Nos services comprennent le diagnostic agricole, le suivi des exploitations, l’appui à la recherche du financement, l’amélioration des performances des exploitations, l’intégration des outils numériques (dans la mesure du possible) et l’adaptation au contexte local. Le dernier service est la place de marché et AgriStore répond à un besoin spécifique : vendre des produits agricoles et agro-alimentaires. Pour en savoir plus sur nos offres de services dans le développement des chaines de valeurs agricoles, merci de visiter : https://crystal-agribusiness.com/nos-services
Quelles sont vos principales difficultés, comment les surmontez-vous, et sur le long terme, comment votre entreprise se projette-t-elle ?
Dans un environnement entrepreneurial complexe, notre responsabilité est de montrer l’exemple, d’incarner la confiance.
Toute entreprise, surtout au démarrage, fait face à des difficultés inhérentes à la stabilisation du modèle économique. Cela comprend plusieurs aspects dont la définition des orientations stratégiques, la gestion du personnel (un défi quotidien), la mobilisation de ressources financières pour le fonctionnement courant de l’entreprise et les différentes charges, la recherche permanente de clients, une meilleure communication en ligne et hors ligne, la satisfaction des besoins de nos partenaires, la gestion des stocks et de la logistique, etc. Autant nous arrêter pour ne pas allonger le chapelet des difficultés. L’esprit entrepreneurial nous impose de faire face aux défis et de trouver des solutions adaptées et en fonction de nos possibilités. C’est ce à quoi nous nous attelons tout en restant au service des acteurs agricoles, notre priorité. Nous avons de grandes ambitions mais nous avons décidé d’y aller par étapes. Nos enjeux pour 2024 sont de poursuivre le développement de l’entreprise, de recevoir de nouveaux actionnaires, d’aller chercher plus de clients, plus de partenaires, plus de fonds pour fonctionner et investir dans la croissance. Dans un environnement entrepreneurial complexe, notre responsabilité est de montrer l’exemple, d’incarner la confiance et c’est ce que nous essayons de faire au quotidien. Toute dynamique de partenariat sera la bienvenue pour faire face à nos défis communs.
Merci à AGRATIME pour l’opportunité. Vous effectuez un travail incroyable dans un contexte difficile pour assurer la communication sur le secteur agricole et les sciences connexes et nous vous souhaitons pleins succès et davantage de croissance.
Propos recueillis par Emmanuel M. LOCONON
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