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Aquaculture au Bénin : ‘’MahuWévi’’, un dispositif pour passer de 3 à 50 poissons par m³

Pendant que le Benin n’a produit que 2.650 tonnes de poisson d’aquaculture en 2023, la question des rendements et de la productivité des installations aquacoles se pose avec acuité.  Face à cet enjeu national, Eder Hounsou a pensé et mis en place un dispositif d’oxygénation des étangs appelé MahuWévi. Grace à ce dispositif, les pisciculteurs ont désormais la possibilité de charger jusqu’à 50 poissons par mètre cube contre 2,5 dans les dispositions ordinaires. Au bout de cinq mois et une semaine, le poisson peut atteindre un poids moyen de 250 grammes. Des résultats remarquables ont été dévoilés samedi.

Dans le paisible village de Vakon Anago, commune d’Akpro-Missérété, à 42 km de Cotonou, la ferme aquacole Gold’s Farmers a ouvert ses portes au public, samedi 8 juin 2024. Cinq mois plus tôt, cette ferme avait lancé un cycle de production de poissons tilapia et pangasius. C’est l’heure des moissons. Sur le site est déployée une nouvelle technologie unique au Bénin : MahuWévi. Il s’agit d’un dispositif intégré qui dissout et mélange l’oxygène avec l’eau pour aérer l’étang piscicole et favoriser une forte croissance des poissons de même qu’une alimentation moins excessive.

L’innovation est portée par un ingénieur agronome béninois, Eder Hounsou, passionné de poisson. « MahuWévi est un carrefour entre l’oxygène et l’eau » affirme-t-il en décrivant le fonctionnement du dispositif qui requiert une pompe, une bouteille d’oxygène pure et un manomètre. Grâce à ces équipements interconnectés, le mécanisme de circulation de l’air dans l’eau rend l’environnement plus optimal pour les animaux. « Ils respirent plus facilement, et en respirant plus facilement, ils valorisent mieux l’aliment. Cela entraîne le fait qu’on utilise peu d’aliments pour produire des poissons pouvant grandir plus vite, donc d’avoir de meilleurs taux de croissance spécifiques au niveau des poissons et de réduire au maximum les mortalités », explique l’inventeur.

Une efficience prouvée

Eder Hounsou ne s’est pas contenté d’inventer la technologie dont le parcours, avoue-t-il, a été « long et très périlleux ». Il l’a brevetée et personnellement testée sur sa ferme Gold’s Farmers. « Le cycle de production s’est fait dans un bassin de 30 mètres carrés où nous avons stocké 1500 poissons, ce qui équivaut à 50 poissons par mètre cube. Et en 5 mois et une semaine, le poids moyen aujourd’hui a donné 250 grammes avec beaucoup de poissons qui sont déjà autour de 400 grammes », a-t-il démontré devant les visiteurs composés d’acteurs agricoles, chercheur de l’INRAB (Institut national de recherche agricole du Bénin), agroéconomiste, etc. Par an, renchérit le pisciculteur, la production par mètre carré est d’au moins 100 poissons. « Nous avons sans prétention la plus grosse densité de production du Bénin », se félicite-t-il.

L’impossible est donc rendu possible grâce à une innovation inspirée d’un modèle appliqué ailleurs dans le monde. L’ingénieur a adapté le dispositif au contexte local pour aider les pisciculteurs à faire face aux problèmes de coûts élevés et de mortalité des poissons. « Nous avons une envie de pouvoir nourrir la population avec cette source de protéines saines pour nos concitoyens », a laissé entendre Eder Hounsou.

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Accessible et rentable sur le long terme

La solution MahuWévi est accessible aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises. Le dispositif offre des performances beaucoup plus évoluées et plus durables dans le temps aux producteurs. Son coût est relativement abordable à chaque profil. « Pour ceux qui ont déjà des réservoirs, avec 400 000 francs, ils peuvent équiper ces réservoirs et faire leur propre production. Pour ceux qui n’en ont pas, à partir de 800 000 francs, ils ont déjà le réservoir et tous les dispositifs pour faire la production », détaille Eder Hounsou.

Les témoignages sont élogieux, la ferme Gold’s Farmer’s a été révolutionnée en adoptant cette nouvelle approche de production. Les agents de l’Agence territoriale de développement agricole, pôle 6 « nous ont dit ouvertement que personne ne sort la quantité que nous sortons, alors qu’on fait partie de ceux qui ont le moins de mètres carrés de production », s’en réjouit le promoteur. Il souhaite alors que cette approche soit mise à l’échelle industrielle : « on pourra mieux répondre à la demande locale » et avoir des retours sur investissement plus intéressants.

MahuWévi
Eder Hounsou @Agratime/ Emmanuel L.

Susciter l’intérêt

Le poisson est un enjeu économique mais aussi social et sanitaire, source de protéines de bonne qualité. Il joue un rôle essentiel dans la sécurité alimentaire. Ainsi, pour contribuer à l’atteinte des objectifs durables relatifs notamment à la faim et à la malnutrition, il est crucial de développer la filière aquacole en se servant des technologies rentables qui accroissent avec efficience la productivité, telle que MahuWévi qui fait ses preuves sur le terrain.

L’inventeur Eder Tadagbé Hounsou offre également son accompagnement aux particuliers voulant installer une ferme aquacole avec le dispositif d’oxygénation. Il en appelle par ailleurs à la collaboration des institutions étatiques pour vulgariser la solution. « Au gouvernement, je pense que le poisson devrait un peu plus susciter leur intérêt et qu’ils devraient penser à des solutions réelles qui existent et prendre des modèles qui correspondent beaucoup plus à notre écosystème où nous n’avons pas assez de plans d’eau », lance-t-il.

A l’occasion de la clôture du cycle de production de Gold’s Farmer’s, les acteurs agricoles ont eu la chance de déguster les poissons pêchés et cuisinés sur place. Ils ont aussi assisté à la remise d’attestation à une stagiaire de la ferme, Valencia Zocli, qui dit avoir beaucoup appris sur la pisciculture et sur le dispositif MahuWévi. Etudiante en agronomie, elle rêve d’installer une ferme agro-pastorale, mais en partant d’abord de la pisciculture.

Emmanuel M. LOCONON

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