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Après l’échec de l’AMAB, le FNDA transforme l’assurance agricole au Bénin

« La terre ne ment pas », dit-on, mais lorsque les aléas climatiques et les causes conjoncturelles affectent les facteurs de production, l’agriculteur se retrouve en difficulté. Sans aucune couverture ni assistance adéquate, il fait face à des impayés vis-à-vis de ses bailleurs, au point parfois de se déclarer en faillite. Pour accroître la résilience des agriculteurs, le gouvernement béninois, à travers le Fonds National de Développement Agricole (FNDA), bras agissant du ministère en charge de l’agriculture, met en œuvre une nouvelle formule d’assurance basée sur les rendements agricoles par zone. Depuis son lancement, cette assurance fait déjà des heureux dans le secteur agricole béninois.

Rendements agricoles en dessous des attentes, semences et engrais perdus, retard de remboursement des créances, poursuites judiciaires, etc., c’est le lot des agriculteurs au Bénin en l’absence de mécanisme de protection face aux effets du changement climatique (sécheresses, inondations) et aux invasions de nuisibles. Une étude effectuée en 2023 à Matéri (à 630 km au nord de Cotonou) par Alain Oloni AGANI et al., et publiée sur Afrique Science, indique que « les variations des indicateurs climatiques réduisent la production des cultures de 6 %, tandis que les produits de l’élevage diminuent de 0,1 % ». Ceci crée, la plupart du temps, du désespoir chez les victimes et les conduit presque à la faillite.

Face à de telles situations, les agriculteurs n’ont d’autre choix que de subir, car ils ne peuvent pas non plus compter sur l’appui d’une institution financière qui juge leur activité à haut risque.  Ainsi, l’absence d’une assurance agricole est souvent dénoncée comme un handicap majeur au financement du secteur, aussi bien par les acteurs de l’offre de crédit que par les demandeurs. Mais aujourd’hui, la donne change. Le Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche (MAEP), avec l’appui de divers partenaires techniques et financiers, a mis en branle l’assurance agricole à indice de rendement par zone.

assurance
Calixte Midjangninou, Directeur de la planification, du suivi et de l’évaluation et point focal des questions assurancielles au FNDA

Comme son nom l’indique, l’assurance agricole à indice de rendement est un contrat qui garantit une protection des investissements à un agriculteur sur une superficie d’exploitation précise, en contrepartie du versement d’une prime bien définie par l’assureur. Cette assurance s’active si un risque clairement identifié, en l’occurrence les aléas climatiques, a perturbé le rendement. En effet, l’ancien modèle d’assurance expérimenté par l’AMAB (initié par les promoteurs agricoles en 2014 et mis en œuvre avec l’appui du gouvernement jusqu’en 2017) reposait sur l’indice pluviométrique, ce qui s’est avéré inadapté aux réalités climatiques de l’agriculture béninoise. « Il s’agissait, à travers une station météo qui disposait déjà des données sur les quantités d’eau et les précipitations, de collecter les informations et de définir le niveau de précipitations dont l’espace agricole a bénéficié durant la période. La faiblesse de cet outil, c’est qu’il y a des microclimats qui ne bénéficient pas nécessairement de la pluie », explique Calixte Midjangninou, Directeur de la planification, du suivi et de l’évaluation et point focal des questions assurancielles au FNDA.

Bien que deux exploitations différentes se trouvent dans une même zone couverte par l’outil de collecte, les précipitations ne peuvent être quantifiées de façon égale. Alors que l’une reçoit des pluies, l’autre n’en reçoit pas assez ou pas du tout, ce qui fausse la base de calcul des indemnités.

Le rendement historique, la base de l’indemnisation

Si le rendement offre aussi bien à l’agriculteur qu’à l’assureur une base certaine et fiable d’évaluation des indemnités, l’opportunité de son paiement repose sur la moyenne des rendements agricoles dans une zone agroécologique précise. « C’est au moment de la récolte que l’opérateur pose des carrés de rendement et mesure le rendement de l’assuré, images à l’appui. On délimite des espaces géographiques et on réalise l’échantillonnage de ceux qui ont souscrit à l’assurance, puis on mesure leur rendement en leur présence », explique Nicolas Ahouissoussi.

Nicolas Ahouissoussi, Directeur Général du FNDA

Le rendement obtenu sur ce carré est alors comparé à la moyenne des rendements de la même culture sur une période précise. « Sur les cinq ou dix dernières années, on dispose des informations sur le rendement moyen par année, et on en fait une moyenne. Et cette moyenne historique sert de référence […] Les promoteurs agricoles bénéficiaires de l’assurance commencent à être éligibles à l’indemnisation lorsque le rendement de cette année est inférieur à 70 % du rendement historique », ajoute Calixte Midjangninou, directeur de la planification, du suivi et de l’évaluation au FNDA.

Pour la phase pilote, seules les filières coton, riz et gros bétail sont prises en compte. Comme on peut le constater, elles représentent les grandes familles de filières agricoles, notamment les produits de rente, les produits vivriers et l’élevage. La prime est couverte à 80 % par l’État et les partenaires ; le promoteur ne paie que 20 %. Ces 20 % que le promoteur agricole prend en charge représentent, par exemple, pour la production de riz, 2 730 FCFA pour une superficie d’un hectare et demi. Pour le coton, cela fait 5 508 FCFA sur une superficie de deux hectares. Et pour le bétail, 4 698 FCFA pour deux têtes de bétail. La part supportée par le producteur connaîtra une évolution progressive jusqu’à 50 %.

Les premiers pas vers le succès du produit

L’assurance agricole à indice de rendement semble répondre aux attentes des acteurs agricoles. Avant son lancement, les producteurs recherchaient une couverture abordable contre les pertes de récoltes sans véritablement en appréhender la forme ni les modalités. À en croire Calixte Midjangninou, ceux-ci admettent que lorsque l’activité agricole est couverte, cela leur donne la chance d’obtenir des crédits auprès des banques et des institutions financières.

C’est d’ailleurs ce qui explique leur adhésion massive à la solution ainsi que le succès de la phase test. « Nous avons commencé cette année avec un certain nombre de producteurs de riz. Tout le travail technique a été réalisé avec ces producteurs, qui sont au nombre de 11 000 sur les 100 000 que nous voulons toucher », a confié Nicolas Ahouissoussi. Ceux-ci ont reçu un chèque de versement d’indemnité d’une valeur de 106 945 441 FCFA au titre des pertes enregistrées au cours de la campagne 2024-2025.

« J’ai reçu environ sept mille francs sur ma carte SIM. Aussitôt que je les ai retirés, j’ai acheté des produits que j’ai aspergés dans mes champs. Je suis très heureuse », a confié Virginie, une productrice de riz à Djidja.

« J’ai reçu un peu plus de 65 800 FCFA, parce que l’année dernière, j’ai cultivé du riz et l’inondation a ravagé une partie. Cela va me permettre d’acheter les intrants pour la saison prochaine », se réjouit également Bana Mama Sanni, producteur de riz à Kompanti, dans la commune de Karimama.

Pour atteindre les 89 000 autres acteurs, le FNDA se montre très actif sur le terrain. Les séances de sensibilisation et d’information se multiplient, aussi bien à destination des producteurs que des acteurs institutionnels. Constatant l’engouement que cette innovation suscite, le fonds et ses partenaires restent confiants que l’échec de l’AMAB ne se reproduira pas.

Le FNDA au cœur d’une organisation solide et rigoureuse : un assuré surveillant

Pour assurer la pérennité de cette nouvelle formule d’assurance, le gouvernement, et in fine le FNDA, ont mis les bouchées doubles. Animé par de grandes ambitions pour le succès de ce produit révolutionnaire, le gouvernement béninois s’est fait accompagner par la coopération suisse (DDC) et la Coopération luxembourgeoise (LuxDev) afin de toucher les 100 000 bénéficiaires de cette première phase. Ainsi, la mise en œuvre de l’assurance agricole, dont la phase pilote a été officiellement lancée le 4 mars 2025, est portée par plusieurs acteurs. « Le FNDA n’est vraiment pas dans l’opérationnel. Ce sont les compagnies d’assurance et les partenaires techniques à l’implémentation, comme Pula, qui y sont », précise le DG du FNDA.

En effet, le cabinet international Pula Advisors, qui dispose d’une expertise reconnue à l’échelle mondiale en matière d’assurance agricole à indice de rendement, a mené l’étude de faisabilité de ce modèle d’assurance au Bénin. Les résultats ayant été approuvés le 5 mai 2023, il a ensuite proposé le produit d’assurance qui est mis en œuvre par les compagnies d’assurances retenues au terme d’une compétition. Ces dernières sont alors autorisées par la Conférence interafricaine des marchés d’assurance (CIMA) pour offrir cette police d’assurance agricole.

Quant au FNDA, il est à la fois bénéficiaire et surveillant : « Le FNDA, d’abord, est l’organisme qui mobilise les primes, qu’il verse à la compagnie d’assurance, mais qui a les yeux ouverts et qui représente les petits producteurs. Dans le protocole d’accord tripartite que nous avons signé, le FNDA est dénommé l’assuré. Ainsi, c’est nous qu’on assure, mais nous transposons ce statut aux petits producteurs », explique Calixte Midjangninou.

De sa position, le FNDA doit avoir un œil sur tout le processus afin de s’assurer que les petits producteurs ne seront pas lésés. « Il faudrait que nous nous assurions que les gens ne sont pas allés tricher sur le terrain, en surestimant le rendement des producteurs, et qu’on ne se rende compte finalement qu’il n’y a pas eu de problème », ajoute-t-il.

Mechac AWOKOLOITO

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