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« Ces friandises qui disparaissent petit à petit sont une perte pour l’économie »

Oladé Maryline Baba Ode est titulaire d’une licence en génie de technologie alimentaire et d’un master en nutrition humaine et sciences des aliments. Depuis 2018, elle gère l’entreprise MINON SUNVI spécialisée dans la revisite des friandises traditionnelles locales, dont le nom commercial est SWEETS BENIN. Elle adore


les fruits et fait de l’innovation dans l’agroalimentaire son terrain de plaisir par excellence. Immersion dans l’univers d’une entrepreneure décidée à faire « revivre la confiserie locale ». Lisez plutôt!

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Agratime: Quelle a été l’inspiration derrière la création de MINON SUNVI, et comment votre expertise en nutrition humaine a contribué à la mission de rénover la confiserie locale ?

Oladé Maryline Baba Ode: MINON SUNVI est née de l’envie de prouver que les friandises locales pouvaient offrir autant et même plus que les friandises exportées. MINON SUNVI, ce sont des sucreries/douceurs issues du savoir-faire de nos grandes mères et qui aujourd’hui sont revisitées dans leurs diagrammes de  production et de conservation/emballages pour proposer des « produits de riches », capables d’intéresser cette jeunesse désormais habituée aux produits importés et leurs standards.

Ma formation en nutrition est un plus non négligeable dans le travail que je fais, car étant responsable de recherche et développement au sein de notre entreprise, j’ai à charge de créer des produits à la fois innovants et apportant un bénéfice pour la santé du client. C’est donc mes connaissances dans la nutrition qui m’ont permis de mettre en place des produits plus légers en sucre ou plus riches en aliments étonnants comme les fruits, les légumes, les noix, les épices, etc…

En quoi consiste exactement la rénovation de la confiserie locale et comment cela s’aligne-t-il avec vos compétences en nutrition ?

Revisiter une friandise nécessite de se lier à son passé, d’essayer de comprendre son histoire sur nos terres et aussi en dehors. Car on ne peut améliorer une chose si l’on ne comprend pas son créateur de même que celui qui l’utilisera. C’est un travail perpétuel car une friandise pour moi, a plusieurs visages, plusieurs possibilités dans sa façon de se révéler. Il faut alors avoir l’audace d’essayer, de proposer, de fouiller, de révéler dans le fond comme dans la forme.

De plus connaitre les besoins du corps humain en termes de nutriments m’a souvent permis de préférer les épices, les noix, les fruits, les légumes naturels etc… lors de  la revisite des friandises traditionnelles que MINON SUNVI explore chaque jour et qui a permis de créer des douceurs  comme le toffee aux fondants, le toffee aux cent épices, le coco râpé aux herbes et légumes ou encore le kokada [caramel] aux fruits séchés etc…

Comment Minon Sunvi travaille-t-elle pour réduire les pertes post-récoltes et améliorer la conservation des aliments, en mettant en avant une de vos innovations récentes, comme la fabrication de sucre et de miel à partir de l’ananas ?

Les fruits sont des produits que j’adore personnellement. Et de ce fait je suis souvent sur les marchés où je vois toujours des kilos et kilos de fruits pourris bons pour la poubelle. Ça n’a l’air de rien mais je vous assure que sur le plan national on parle quand même de milliards de FCFA en pertes post-récoltes chaque année rien que dans le domaine des fruits et légumes. Je pense que ce serait criminel de ma part en ayant fait étudié la transformation alimentaire, de ne pas chercher à me creuser la tête pour trouver des solutions pour ma communauté. C’est le cas pour l’ananas que j’ai essayé de transformer en « miel » et sucre qui conservent la signature du fruit, sont conservables sur plusieurs mois et pourront facilement se transporter en dehors du pays.

MINON SUNVI me permet d’exposer mes recherches sur la conservation, ou la transformation des produits locaux pour lesquels je suis profondément passionnée. Il s’agit d’une passion que je me dois de transmettre aux jeunes comme moi pour qu’ensemble nous puissions révéler les merveilles de nos terres, partout en Afrique.

friandises
Oladé Maryline Baba Ode, Directrice de l’entreprise MINON SUNVI

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En tant que directrice d’une startup axée sur l’innovation alimentaire, comment relevez-vous les défis spécifiques liés à la transformation des produits locaux et à la création de nouvelles saveurs, comme le sucre et le miel à base d’ananas ?

L’innovation dans l’agroalimentaire est mon terrain de plaisir par excellence mais il est aussi semé de d’embuches. Surtout pour des produits aussi nouveaux qu’intrigants. Les défis pour ces nouveaux produits sont entre autres de les faire connaitre au public en vue de les leur faire adopter. Je nomme aussi l’accès à des financements pour l’acquisition de matériels pouvant faciliter la production, l’acquisition de matériel de conservation. Par ailleurs, l’accompagnement pour l’accès au marché sous régionale et internationale constitue un mine pour l’essor de l’ananas béninois.

Quels sont les bénéfices écologiques de votre approche de fabrication de sucre et de miel à partir de l’ananas, et comment cela s’inscrit-il dans votre engagement envers la durabilité et la réduction des déchets ?

Nos nouveaux produits, que sont le « miel » et sucre d’ananas, sont une façon pour moi de faire voyager le consommateur en une seule bouchée. Ces petits bocaux renferment toutes les particularités du très unique ananas pain de sucre : saveur exquise, arome prononcé et délicat en bouche. Ces produits permettent de profiter du fruit en tout lieu, avec facilité et sans s’encombrer. Ils sont parfaits pour les pâtisseries, confiseries, les thés, tisanes et autres, puisqu’ils peuvent se substituer aux sucres raffinés.

Le sucre et le « miel » d’ananas peuvent être consommés par tous, y compris les personnes faisant des allergies spécifiquement aux fibres d’ananas qui ont été extraites des produits finaux. Le « Miel » d’ananas est aussi une alternative aux miels d’abeille non consommés par les végétaliens. Ils aident même certains à digérer plus facilement et leurs aromes apaisent d’autres

Ces produits sont une façon aussi, pour moi, de protéger nos terres car cela permet de s’assurer que les  fruits produits en grande quantité sont consommés, aujourd’hui ou dans 5 ans (façon de parler). Produire plus que nécessaire, à coup de pesticide parfois, pour être obligé de jeter ensuite est une insulte à la nature et nous devrions tous en prendre conscience. Conserver est un moyen de réduire la faim et la pauvreté dans nos communautés car conserver c’est à coup sûr une augmentation des revenus, et une possibilité d’une meilleure orientation des productions agricoles selon les réels besoin du marché. Et cela ne vaut pas seulement pour l’ananas mais dans tous les domaines de production.

Comment Minon Sunvi s’engage-t-elle avec la communauté locale, tant du point de vue économique que social, dans le cadre de ses activités de rénovation de la confiserie ?

Revisiter une friandise est déjà un acte de combat et d’engagement social quand on sait l’attrait qu’ont les jeunes d’aujourd’hui pour les choses venues d’ailleurs. Faire revivre ces friandises qui disparaissent petit à petit de nos habitudes au Bénin, permet pour moi de sauver les savoir-faire de nos grands-mères, de sauver cette partie de l’économie basée sur ces friandises, de faire vivre les artisans locaux avec qui nous collaborons depuis des années pour la création de contenants à base de merveilles locales comme les calebasses, les pagnes teintés, les coffrets en bois etc… MINON SUNVI ce n’est pas que la rénovation des friandises, c’est la mise en lumière de potentiel béninois à travers l’art de la confiserie et de l’artisanat également.

Envisagez-vous d’étendre votre gamme de produits innovants à l’avenir, et si oui, quelles nouvelles idées ou projets avez-vous en tête pour continuer à marquer votre empreinte dans le secteur de la confiserie ?

Absolument, qu’elle sera agrandie, notre gamme. Le but est de pousser la limite très haute, de prouver que l’Afrique en a dans le ventre et nous en sommes très loin. Je vous assure que nous pouvons faire plus. Et c’est ça qui me fait vibrer. Pour 2023-2024, j’ai des idées qui risquent bien de vous plaire. Suivez-moi sur mon Linkeldin pour participer à cette aventure de l’innovation agroalimentaire audacieuse et surtout être parmi ceux qui  m’aideront à m’améliorer, me conseiller. L’innovation est un voyage et je vous invite à l’expérimenter en suivant et en encourageant les petits soldats que sont les agriculteurs, les entrepreneurs et surtout les chercheurs un peu fous comme moi (rire).

Propos recueillis par Emmanuel M. LOCONON

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