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Malgré la fermeture des frontières du Nigéria : «Le warrantage à un bel avenir dans les zones d’intervention du programme » assure Rassidatou Moustafa

Engagé depuis deux ans dans le warrantage avec ses bénéficiaires, le programme Approche communale pour le marché agricole phase 2 (ACMA 2) affronte depuis quelques mois les contingences liées à la fermeture des frontières du Nigéria. Dans un entretien à nous accorder, Rassidatou Moustafa, spécialiste en warrantage du programme, revient sur le bilan de la mise en œuvre du warrantage dans les départements d’intervention du programme et expose le plan de résilience mis en place pour pallier la rupture des échanges avec le Nigéria. 

AGRATIME : Comment se porte le warrantage dans les quatre départements d’intervention du programme ACMA 2 ?

Rassidatou Moustafa : Le processus de warrantage est en cours dans la plupart des départements. Du 26 au 28 novembre derniers, nous avons fait le bilan de la campagne 2018-2019 du warrantage du maïs et du soja dans le département du zou. J’avoue qu’avec ce bilan, le warrantage se porte bien. Nous avons constaté que malgré les difficultés liées au marché, les acteurs ont pu faire face à la campagne. Ils ont mobilisé des stocks importants, ils ont géré la question liée au marché, ils ont pu vendre entièrement les produits warrantés. Le crédit a été également entièrement remboursé avec des intérêts et il y a aussi eu une marge bénéficiaire qui a permis aux différents comités de restituer des ristournes aux membres adhérents qui ont participé à la campagne. A vu de ces résultats, on note une satisfaction auprès des acteurs qui ont apprécié le déroulement de la campagne et des bénéfices qu’ils ont eu à tirer de cette opération. Quant aux autres départements, le processus n’est pas encore bouclé. Dans les départements de l’Ouémé et du plateau qui sont fortement impliqués, les produits warrantés sont en cours de commercialisation donc à ce niveau on ne peut pas déjà se faire une idée précise de la situation globale de la campagne.

Quels sont les impacts de la fermeture des frontières du Nigéria sur la campagne de warrantage en cours ?

La fermeture des frontières a causé de soucis par rapport à la commercialisation de l’huile de palme warrantée dans les départements de l’Ouémé et du Plateau, notamment le souci d’accès au marché. Les huiles sont dans les tanks, mais leur commercialisation pose problème parce que les clients se font un peu rares. En dehors des détaillants locaux qui achètent de petites quantités, on n’a pas eu cette année de gros achats provenant du Nigéria. Et généralement, ce sont ces achats qui facilitent la commercialisation de l’huile. Ceci a conduit à la chute du prix de vente de l’huile. À pareil moment, le bidon de 25 L se vendait à 15 000 FCFA voire 16 000 FCFA, mais actuellement, l’huile est vendu à 11 000 FCFA voire 11 500 FCFA. Cependant, chaque PEA s’efforce pour écouler l’huile qui est en stock afin de rembourser le crédit et de faire le point du processus.

Comment les producteurs réagissent-ils face à cette situation ?

Face à cette situation, la réaction c’est la résilience. Les producteurs cherchent des voies et moyens pour s’adapter à la situation. Et l’alternative, c’est le fait de se rabattre sur le marché local, le marché des bonnes dames qui achètent en petites quantités. C’est aussi la recherche du marché dans les autres départements du pays comme les Collines et dans le Nord. Récemment, une délégation s’est rendue au marché de Glazoué pour chercher des acheteurs. Nous avions aussi fait de la prospection vers le Nord notamment à Parakou, à Kandi et à Malanville pour voir si dans ces localités, ne seraient-ce que les petites unités qui transforment l’huile de palme en savon, il peut amorcer une collaboration avec celles-ci pour la commercialisation des huiles que les acteurs ont en stock actuellement.

Un bénéficiaire prenant de l’huile stockée

Nous essayons de régler le problème en nous rabattant sur le marché local et en cherchant d’autres marchés dans les pays de la sous-région, comme le Niger, le Burkina-Faso et le Togo. Le programme n’a pas croisé les bras face à la situation. On s’est dit que c’est le moment de diversifier les marchés, de ne plus se focaliser seulement sur le marché du Nigéria. Les démarches sont donc en cours pour développer des partenariats dans d’autres pays et dans les marchés du Nord pour permettre aux acteurs de s’en sortir.

Quelle est la réaction des SFD face au retard enregistré dans le remboursement des crédits dû à ce problème ?

Au niveau des SFD, du moment où ils comprennent qu’il y a un problème relatif au marché d’écoulement et qu’ils sont en partenariat avec les PEA, qui ont pour la plupart la volonté de rembourser le crédit et qui se trouvent être confrontés à une réalité, ces SFD ont compris et accompagnent le programme dans la recherche de solution. Pour le cas du warrantage, elles ont été associées aux échanges que nous avions eus avec les acteurs. Ils ont compris qu’il y a une situation qui prévaut et ont apprécié la démarche des acteurs pour pouvoir faire face au problème du marché. Ils ont aussi noté le souci que les acteurs ont à rembourser le crédit et c’est justement au vu de leur engagement vis-à-vis de ces SFD, qu’ils font tout leur possible pour libérer des quantités suffisantes d’huiles pour leur permettre de rembourser le crédit. Ces SFD souhaitent aussi les accompagner pour que les crédits soient remboursés dans de meilleurs délais. On est donc dans une collaboration pacifique et au fur et à mesure que les ventes s’effectuent, les acteurs remboursent leur crédit. Ce qui aide à dissiper les craintes des SFD.

Quelles sont les perspectives pour la campagne à venir ?

Déjà au niveau du maïs et du soja, nous avions déjà commencé à élaborer avec les PEA dans le Zou un plan d’action pour conduire la campagne. La plupart des comités de ce département ont commencé à élaborer leur plan d’affaires et à les soumettre aux structures de microfinance pour accéder aux crédits de warrantage. Certains ont déjà commencé les sensibilisations, d’autres ont proposé dans le plan d’actions, qu’ils vont renforcer la sensibilisation pour avoir davantage de membres pour la campagne qui s’annonce. On espère que jusqu’en janvier, les premiers stocks seraient déjà constitués et les premiers crédits seraient mis en place. Au niveau de l’huile de palme, il faut qu’on boucle le processus en cours. Quand les dernières ventes vont s’opérer vers le mois de janvier, un bilan sera organisé pour appuyer les acteurs à faire un point global au niveau intercommunal. Ce point leur permettra d’élaborer les plans d’affaires et de s’engager davantage pour la nouvelle campagne.

Dans le département des Collines, il n’y a pas encore eu du warrantage en bonne et due forme. Le travail que nous avons enclenché jusque-là est centré sur la sensibilisation des acteurs. Cette année nous avons noué un partenariat avec une structure d’appui entreprenarial (SAE) qui accompagne le programme à opérationnaliser le warrantage dans les collines. La structure a commencé avec un crédit de campagne qui est en cours. Le crédit sera dénoué d’ici le mois de janvier, processus au terme duquel le warrantage sera opérationnel. Il y a deux semaines, nous avons déroulé une formation à l’endroit des techniciens de ces structures, des SFD de la zone partenaire du programme ou non, des techniciens de la Direction départementale de l’agriculture et des acteurs PEA. Au cours de cette formation, chaque partie prenante a pu se faire une idée de la tâche qu’il a à accomplir pour conduire le processus de warrantage. Des feuilles de route ont aussi été élaborées pour les accompagner à accomplir ces tâches et à pouvoir organiser de façon plus professionnelle et efficace la campagne de warrantage au profit des membres.

Donc au niveau des collines, le processus est déjà lancé et tout se passe bien. La SAE qui accompagne les acteurs sur le terrain fait son travail de suivi de proximité, d’appui à la mise en œuvre de la feuille de route pour permettre aux acteurs d’organiser la campagne. Ceci dit, le warrantage a un bel avenir dans les zones d’intervention du programme ACMA 2. On a espoir que la campagne prochaine sera une réussite. Au cours des séances que nous avons avec les acteurs, nous les préparons à aller vers d’autres marchés et à ne pas totalement se fier au marché nigérian. Ils ont compris et les dispositions prises durant cette campagne viennent en renfort aux dispositions prévues pour que les stocks warrantés pour la campagne prochaine ne souffrent pas dans les magasins.

Propos recueillis par Méchac Awokoloïto

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