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Etienne Adango : « Les semences ne sont pas comme du grain, on ne produit pas quand on veut »

Dans cet entretien exclusif, Etienne Adango, Chef du Service national semencier à la Direction de la production végétale au Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche (MAEP), nous livre son appréciation sur le récent sommet consacré au système semencier au Bénin. Il met en lumière les facteurs cruciaux pour la production de semences de qualité, les défis majeurs auxquels le secteur est confronté, ainsi que les besoins en financement et en soutien technique nécessaires pour dynamiser ce sous-secteur vital pour le développement agricole du pays.

Agratime : Quelle est votre appréciation sur le sommet sur le système semencier au Bénin ?

Etienne Adango : C’est un sommet qui est le bienvenu, vu qu’il est consacré au sous-secteur semencier qui est capitale puisque tout programme de développement de l’agriculture commence par les semences. C’est un sommet qui est venu pour identifier un certain nombre d’actions qu’on pourrait mener dans le sens de booster le sous-secteur semencier, de l’accompagner à décrocher des financements auprès des partenaires. Il faut que les projets, les actions pour lesquelles on a besoin des financements soient déjà prêts avant qu’on ne parle de négociations, des financements auprès des partenaires. Donc c’est en ce sens que le sommet est la bienvenu.

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Quels sont les facteurs qui influencent la qualité des semences ?

Pour que les semences soient de qualité, il faut que leur production soit faite suivant une règlementation. Donc si vous ne suivez pas, les consignes de la recommandation, vous ne pouvez pas avoir une semence de qualité. Les semences ne sont pas produites par qui veut et comment on veut, mais il y a une manière de produire.

Ces recommandations, que disent-elles ?

Pour produire les semences, on part d’abord du choix de la variété. Si vous voulez produire des semences certifiées, c’est-à dire des semences qui sont destinés à la production des grains, vous devez utiliser les semences de base. Et la semence de base à utiliser doit être des semences de base certifiée. Donc c’est le point de départ. Et après cela, il y a une question de choix de site. On ne produit pas la semence n’importe où. Il y a certaines mauvaises herbes qu’on ne doit pas retrouver sur le site de production. Donc quand vous-même, vous inspectez le terrain, et les techniciens qui s’y connaissent inspectent le terrain, et ils voient que sur votre site, il y a un certain nombre de mauvaises herbes, c’est-à-dire qu’il y a chiendents, les cyperus, le striga et autres, vous ne devez pas installer votre parcelle semencière là. Et si vous insistez et que vous l’installez, si les contrôleurs viennent constater çà, ils vont le déclasser. Quand vous quittez là, il y a ce qu’on appelle des pratiques culturales. Vous devez respecter ce qu’on appelle dans notre jargon technique, si on dit de faire le labour à une telle profondeur, la densité de semi, et l’isolement. L’isolement, c’est un critère très important. Surtout en ce qui concerne les espèces allogames, vous devez observer une certaine distance entre votre parcelle et une autre parcelle sur laquelle on est en train de cultiver la même semence que vous. Si je prends le maïs, si vous installez votre parcelle, il ne doit pas y avoir un autre champ de maïs dans un rayon de 300 mètres. Parce que le vent peut transporter les fleurs mâles du maïs de la parcelle non-semencière à la parcelle semencière et il y aura de croisements et vous n’aurez pas la même chose à la fin. S’il y a des gens qui sont à côté de vous qui doivent produire la même chose que vous, pour que votre parcelle soit acceptée, ou bien vous les sensibilisez et ils produisent la même variété autour de vous, ou bien vous vous organisez pour leur trouver la semence de votre variété qu’ils vont cultiver. Maintenant, quand vous finissez de récolter, vous avez suivi toutes les étapes, les gens ont accepté, vous avez récolté, il y a les opérations qu’on appelle post-récolte, c’est-à-dire les autres traitements qu’il faut. Si je prends par exemple le maïs, il faut enlever les grains, il faut égrener, sécher, il faut vanner, trier, calibrer, et ainsi de suite. Quand vous finissez de faire tout ça, vous mettez ça dans les emballages, les contrôleurs viennent chercher, ils viennent voir si c’est bien fait d’abord, si c’est bien fait et qu’il n’y a rien à y reprocher, ils prennent les échantillons, ils les amènent au laboratoire, il y a un certain nombre de tests qu’on fait là-bas Est-ce que ça a bien poussé, est-ce qu’il n’y a pas de mauvaises herbes, les graines de mauvaises herbes dedans, est-ce qu’il n’y a pas de traces de maladie dedans, est-ce que c’est bien sec, est-ce qu’il n’y a pas de mélange d’autres variétés, par exemple le maïs, c’est blanc mais on trouve du maïs jaune dedans, ça c’est du mélange variétal. Même si on voit que le champ est bon, accepté, et on vient au laboratoire, on fait ce contrôle-là, on voit qu’après le champ, la semence n’est plus bonne, on déclasse. Au cours des opérations post-récoltes, la qualité de votre semence peut être détériorée. Par exemple, si vous prenez le soja, si vous utilisez certaines machines pour faire le battage, comme pour du haricot, qui reste dans des gousses. Si vous ne savez pas battre, cette opération peut faire en sorte que votre semence ne germe pas bien. Et quand on va au laboratoire, si c’est 80% ou bien c’est 95 graines sur 100 au moins qui doivent germer avant de dire que c’est bon, et qu’à cause de cette opération que vous n’avez pas bien faite, il y a 60 qui germent, on va dire, c’est pas bon, on ne peut pas vendre. Parce que celui qui achète la semence, s’il l’achète, il sème, ça doit bien pousser, il n’a pas besoin de ressemer, de faire ceci, non.

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Quels sont les principaux défis que rencontre le système de contrôle de qualité et de certification des semences au Bénin ?

Normalement, les semences ne sont pas comme du grain, on ne produit pas quand on veut. Ce sont des productions qui ont besoin de grands soins, donc on y investit beaucoup d’argent. Et quand vous produisez, vous ne vendez pas, c’est une grosse perte. Donc normalement, la production se fait sur la base des prévisions.

Aujourd’hui, on n’a pas un mécanisme pour bien évaluer les besoins en semences. Ça fait que quand on fait les évaluations avec les données que nous recevons, on constate que ce qu’on produit, on n’arrive pas à tout vendre. Une bonne partie est vendue sous forme de grain, alors que les semences coûtent plus cher que les grains.

Aujourd’hui, on doit essayer de mettre en place un mécanisme pour pouvoir faire une bonne estimation des besoins pour qu’il n’y ait plus de mévente. L’autre chose, les semences que nous produisons, il y a une période pour que les semences soient prêtes pour que les gens puissent utiliser. Il y a les producteurs qui ne sont souvent pas prêts au bon moment. Donc, normalement, la production des semences devrait être finies en février au plus tard en mars. Pour qu’avec la pluie de mars, d’avril, mars-avril, les gens puissent commencer à semer. Mais, jusqu’à mars-avril, parfois, les producteurs ne finissent pas de préparer les semences pour qu’on arrive à prendre les échantillons et faire les tris. Et si c’est le cas, on est obligé d’accuser des retards. Ces retards font que, parfois, la saison démarre, surtout au sud, et les semences ne sont pas prêtes. Aujourd’hui, nous avons l’obligation de sensibiliser, de travailler avec nos producteurs pour qu’ils préparent les lots à temps. En dehors de ça, nous avons le problème des intrants. Parfois, il n’y a pas les intrants. Parfois, les gens sont prêts, mais il n’y a pas les engrais. Et quand c’est comme ça, vous ne pouvez pas avoir le rendement à temps. Donc, si le rendement est faible et qu’on a tenu compte des besoins réels pour faire cette prévision de superficie, là, on devait avoir deux tonnes. Si on se retrouve à une tonne, ça veut dire qu’au lieu de 100 tonnes peut-être à la fin, c’est 50 tonnes qu’on aura et il y aura moins de semences sur le terrain. Il est nécessaire d’assurer la disponibilité des autres intrants, engrais, herbicides, pesticides. Il y a le financement. Les semenciers, parfois, ont besoin de crédit pour pouvoir financer les activités, mais ils n’ont pas accès au crédit ou bien le crédit qu’ils ont, le taux d’intérêt est trop élevé et ça fait qu’ils ont des difficultés au plan financier. Il faut donc qu’un système de financement adapté soit mis en place pour que les producteurs puissent obtenir des crédits à un taux bas. Parfois, les gens finissent la production, ils n’ont pas vendu et à la période, ils doivent rembourser. S’il y avait un système de financement adapté, le taux serait bas et le calendrier respecté. Je crois qu’avec le travail que nous venons de faire, il y a beaucoup de choses qu’on a identifié qu’on va pouvoir mettre dans la feuille de route et nous allons élaborer qui vont nous permettre d’investir un tout petit peu sur le secteur.

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Vous êtes en train de parler d’investissement. Dites-nous, qu’en est-il réellement du fonds d’appui au secteur semencier au Bénin ?

Le fonds d’appui au secteur semencier, c’est un fonds qui est prévu dans la réglementation harmonisée de la CEDEAO, c’est-à-dire qu’aujourd’hui, notre réglementation sur le semencier nationale est basée sur, disons, deux niveaux. Nous avons un règlement au niveau sous régional harmonisé qui a principalement pour objectif de faciliter les échanges des semences entre les pays. Sur ce plan, c’est prévu dans la réglementation harmonisée qu’il y ait un fonds d’appui au secteur semencier parce que souvent, on a constaté que le secteur est souvent confronté aux problèmes de financement. Donc, le règlement a prévu cela pour faciliter le financement des activités. Les activités de contrôle, il y a des moments où vous programmez mais il n’y a pas de ressources pour les faire. Les réunions du comité de semence qui est chargé de la mise en œuvre de la réglementation, vous programmez, parfois, il n’y a pas de l’argent pour les faire. Or, s’il y avait un fonds spécial alimenté chaque année, il n’y aurait pas de blocage. Certains pays ont déjà mis ça en place mais, au Bénin, on n’a pas encore ce fonds. Cela fait partie des difficultés et des plaidoyers seront faits pour qu’avec le temps, le gouvernement, de même que beaucoup d’actions sont menées au plan agricole, ils essaient de mettre en place un fonds pour faciliter le fonctionnement de façon générale du sous-secteur semencier.

Propos recueillis par Auriol HOUDEGBE

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