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Afrique : soutenir la recherche agricole, contrer la fuite des cerveaux

En Afrique, chaque année, environ 20.000 travailleurs qualifiés fuient le continent en quête du mieux-être. L’agriculture, notamment la recherche agricole, fait partie des secteurs sensibles impactés par cette fuite de cerveaux. La recherche n’attire plus les jeunes, car les conditions de vie et de travail sont moins attrayantes.

Légalement ou clandestinement, pour eux, c’est la destination qui compte. L’Europe ou l’Amérique abritent des millions d’Africains fuyant majoritairement leur terre natale où instabilité politique, chômage et pauvreté riment avec le quotidien des populations. « Nos jeunes sont en train de partir en Europe parce qu’ils ne trouvent pas un secteur attrayant pour eux », a constaté  Elisabeth Atangana, ambassadrice spéciale de la FAO pour les Coopératives, présidente de l’académie de la Plateforme régionale des organisations paysannes d’Afrique centrale (Propac).

« L’émigration professionnelle représente la plus grande part des déplacements régionaux, les jeunes allant d’un pays à un autre à la recherche de meilleures perspectives d’emploi », a déclaré dans une tribune en 2019, Richard Danziger, directeur régional de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.

De nombreux Africains qui voyagent hors du continent, « je prends par exemple l’Italie, vous allez voir des jeunes Burkinabés qui sont dans l’agriculture là-bas », fait remarquer Dr Honoré Tabuna, commissaire, chef de Département Environnement, Ressources Naturelles, Agriculture et Développement Rural à la commission de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Pourtant là-bas n’est pas l’eldorado prétendu, « c’est très difficile », témoigne Dr Honoré Tabuna ayant vécu 17 ans en Europe. De ce fait, « partons de ce que nous avons pour aller où nous voulons », soutient Mamadou Cissokho, défenseur acharné de la souveraineté de l’agriculture et des agriculteurs africains.

LIRE AUSSI Elisabeth Atangana : « La recherche doit répondre à la demande des producteurs »

Investir dans la recherche agricole, un impératif

Quitter l’Afrique, terre d’espoir pour l’agriculture de demain, pour être engagés en Occident dans des exploitations agricoles, cela peut mal s’entendre. Et pour cause, le continent abrite près de 600 millions d’hectares de terres arables non cultivées, soit 60 pour cent du total mondial. Un énorme potentiel agricole qui, mieux exploité, pourrait contribuer à résoudre le problème de chômage des jeunes et garantir la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique.

Mais si le désintérêt des jeunes au secteur agricole s’accroît, c’est sans doute parce qu’ils ne sentent pas l’action de leurs dirigeants. En effet, les Etats africains, très peu intéressés par la recherche agricole, financent rarement ou pas du tout, les chercheurs. « Au niveau de la plupart des institutions de recherche actuellement, les États font un effort, mais l’effort se limite au salaire des chercheurs. Le financement opérationnel des recherches, il faut compter sur le bon vouloir des partenaires extérieurs », révèle Docteur Sibiri Jean Zoundi, Directeur du secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE).

Alors que c’est de la recherche agricole que proviennent les innovations et technologies adaptées pour faire face aux crises climatique, sanitaire et sécuritaire. Il faut par exemple des semences améliorées qui résistent aux conditions climatiques extrêmes, des techniques culturales modernes pour résilier aux chocs environnementaux, ainsi de suite.

La conséquence immédiate du mutisme des dirigeants est que « la recherche n’attire plus les jeunes », regrette Hadizatou Rosine Sori-Coulibaly, présidente de la 15ème assemblée générale du Conseil ouest et centre africain pour la recherche et le développement agricoles (Coraf). D’où l’émergence d’une « nouvelle colonisation ». Elle consiste à la déperdition des ressources sur lesquelles l’Afrique devrait compter pour son propre développement.

Lors des récentes assises du Coraf à Cotonou, la 14ème assemblée générale a réfléchi sur la nécessité de développer le partenariat public-privé pour l’émergence de la recherche agricole en Afrique de l’ouest et du centre. « Je crois qu’il y a un travail à faire pour former d’abord, soutenir la recherche, garder ceux et celles qui ont été formés pour qu’ils soient là, et attirer ceux-là qui ont vu aussi les choses se faire ailleurs, pour venir accompagner nos pays », suggère Hadizatou Rosine Sori-Coulibaly.

Le défi du maintien sur place du capital humain africain est donc une urgence. A cet effet, les chercheurs doivent pouvoir convaincre le politique. « Pour que les gouvernements soient convaincus, il faut que la recherche leur apporte des solutions qui permettent effectivement de créer une valeur ajoutée en termes de productivité, en termes de production, en termes de création de richesses, mais aussi en termes de développement des emplois », soutient Elisabeth Atangana.

En soutenant ainsi la recherche agricole, les Etats contribueraient certainement à ralentir dans une certaine mesure le flux migratoire qui vide l’Afrique, continent majoritairement agricole, de sa main d’œuvre qualifiée.

Emmanuel M. LOCONON

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