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« Avec ACMA2, même un acteur qui n’a qu’un petit commerce peut avoir accès au crédit » dixit Colette Biga Kiki Houézé

Très engagé aux côtés de ses bénéficiaires, le programme  Approche Communale pour le Marché agricole (ACMA2) travaille inlassablement à faciliter la mobilisation des ressources notamment financières pour ces derniers. Dans un entretien à nous accordé,  Colette Biga Kiki Houézé spécialiste accès au financement dudit programme est revenu sur le taux de mobilisation financière exécuté à mi-parcours du programme en insistant sur l’utilité et l’opportunité de la finance digitale de plus en plus prisée par les bénéficiaires.

AGRATIME : Pourquoi le programme ACMA 2 s’est-il lancé dans la recherche du crédit pour ses acteurs PEA ?

Colette Biga Kiki Houézé : Le programme ACMA 2 intervient dans plusieurs domaines, dont le domaine de l’Accès au financement. Celle-ci est la facilitation de l’accès au financement donc le programme n’a pas des fonds qu’il met à disposition de ces acteurs, mais il leur permet d’avoir accès à ces financements en facilitant la mise en place de crédits à leur profit. C’est un programme qui milite surtout pour l’organisation des acteurs en vue de la mobilisation de l’offre. Et quand on parle de mobilisation de l’offre, il faut nécessairement des ressources financières. C’est ce qui justifie l’accès au financement.

Comment cela marche-t-il et qui sont vos partenaires ?

Les acteurs à la base sont des gens que nous prenons le temps d’organiser. Il y a plusieurs domaines qui s’en occupent. Étant donné qu’ils sont déjà organisés, ils sont assez forts pour se présenter devant une structure financière et faire les négociations. Et le travail que nous faisons surtout c’est de les préparer à prendre du crédit et à pouvoir le rembourser aisément. Dans la facilitation de l’accès au financement, nous avons des visites pré et post crédit qui sont d’abord fait, et c’est après ces visites que les clients peuvent accéder à un financement pour pouvoir faire leurs affaires.

Nous avons noué des partenariats avec des structures financières. Ces structures ont les ressources financières, mais nous apportons les services non financiers Tout le travail que nous faisons en amont constitue une garantie pour ces structures qui s’y basent  pour pouvoir accompagner financièrement ces acteurs. Donc les fonds appartiennent entièrement aux structures financières, mais les partenaires que nous sommes les accompagne par des services non financiers qui sont essentiellement des formations, des sensibilisations, tout ce qui a rapport à l’éducation financière,  bref tout ce qu’il faut pour pouvoir rendre les bénéficiaires apte à gérer les revenus issus de leurs activités.

Quelles sont les SFD avec lesquelles vous êtes en partenariat ?

Nous sommes ouverts à tous les SFD, mais prioritairement nous avons fait un partenariat avec les structures financières Alidé et Unacrep. Ce sont ces deux structures qui accompagnent actuellement les acteurs, mais nous avions d’autres qui sont prêtes et qui le font donc cela dépend de la commune dans laquelle les acteurs se trouvent. Parfois, ces acteurs n’ont pas des affinités avec ces structures financières ou carrément ces structures ne sont pas très proches d’eux. Dans ces zones  c’est vers les plus offrants qu’ils se tournent. Quand ils vont vers les autres structures, dès qu’elles sont prêtes ou  dès qu’elles voient qu’il y a ACMA 2 derrière, elles sont prêtes à les accompagner.

Cela suppose que vous mettez devant la crédibilité du programme pour convaincre les bailleurs ?

En fait, le programme accompagne les acteurs, nous les organisons, nous travaillons avec eux notamment en les mettant en réseau, en les aidant à trouver des marchés d’écoulement, etc. Ces actions rassurent les structures financières parce que le financeur veut s’assurer que l’argent qu’il met à la disposition des acteurs lui reviendra coute que coute.  Nous consolidons d’abord cette base avant de les amener vers les structures financières. Ce sont les acteurs même qui constituent leurs dossiers et qui vont vers les structures financières pour pouvoir négocier leur crédit.

Colette Biga Kiki Houézé expliquant le mécanisme d’accès au crédit lors du salon Agrifinances 2019  

Quelles conditions doivent remplir les bénéficiaires pour avoir accès au crédit ?

Ce sont les critères que tout client doit remplir avant de bénéficier d’un crédit c’est-à-dire, avoir une pièce d’identité, une photo, une attestation de résidence, constituer un groupe solidaire, etc…  Lorsque ce sont des acteurs qui n’ont pas des garanties réelles à déposer comme les hypothèques et autres, il faut qu’ils se constituent en caution solidaire avant d’aller vers les structures financières. Donc ce sont les garanties ordinaires mais avec notre accompagnement derrière, les structures financières sont plus souples et allègent les conditions d’accès au crédit. Aujourd’hui au niveau des frais de dossiers où certaines structures financières prennent 2 % elles sont prêtes à leur concéder 1 %. Cela leur permet d’accéder facilement au crédit.

Combien de bénéficiaires avez-vous déjà enrôlé dans le processus d’accès au financement ?

Sur le programme ACMA 2, nous avons déjà facilité plus de 850 millions de francs CFA en moins de 2 ans et dans ce processus c’est surtout le volet warrantage qui a la grande part. Avec le warrantage, les produits sont déjà stockés quelque part et le financeur voit que le produit est là. Donc c’est une garantie assez crédible pour celui-ci, il n’hésite pas à y mettre les fonds. Tout ceci fait que nous sommes à plus de 850 millions de francs CFA mobilisés pour plus de 3500 bénéficiaires parmi lesquelles nous avons 2500 femmes environ. Nous facilitons l’accès au crédit à beaucoup de coopératives déjà organisées. Notre stratégie c’est de favoriser une meilleure inclusion financière de tous les acteurs, quelle que soit leur catégorie. C’est notre manière à nous de démystifier l’accès au crédit parce que notre cible estime que ce sont seulement les gens aisés qui peuvent aller vers les structures financières pour bénéficier du crédit. Aujourd’hui avec le programme ACMA 2, même un acteur qui n’a qu’un petit commerce peut avoir accès au crédit rien que par le processus du warrantage par exemple.

Quel est le taux de remboursement à l’heure actuelle ?

Les crédits se remboursent très bien. Nous sommes à plus de 98 % de taux de remboursement à part quelques expériences que nous avons eues dans la filière maïs où, il y a eu beaucoup d’invendus. Ce qui a occasionné des impayés mais les négociations sont en cours pour que ces crédits soient recouvrés.

Quel est le problème qu’a connu le maïs et qui a influé sur le recouvrement des 2 % manquant ?

Les producteurs avaient fait le stockage du maïs  et attendaient la hausse des prix pour déstocker et vendre. Ce prix n’a malheureusement plus monté comme ils l’ont souhaité.  Or, il y a déjà beaucoup de charges qui sont autour de ces stocks tels que les frais de stockage dans le magasin, les intérêts du crédit, etc. A force d’attendre d’éventuelle hausse des prix le mai a commencé par être attaqué, ils ont été contraint de la vendre et récupérer une partie des fonds. C’est ce qui a causé les impayés. À cela il faut ajouter qu’il y a certains qui ne respectent pas les consignes qu’on leur a données en dépit de tout le travail que nous faisons en amont. Il y a ceux qui ont tendance à détourner les crédits de leurs objectifs. Ils peuvent vous faire croire que le crédit est destiné à produire de l’huile et l’investir dans une autre spéculation. Le financeur ayant mis le crédit rien que pour la production de l’huile, si le producteur l’a investi dans la pisciculture, on déduit que cela peut créer des ennuis puisque le cycle de production n’est pas le même

Est-ce à dire que ces financeurs se plaignent de l’attitude de ces types de clients ?

Même s’ils ne s’en plaignent pas, nous-mêmes faisons le suivi. Pour tous les crédits que nous facilitons, c’est comme si c’est nous-mêmes qui les mettons en place. Tout crédit facilité fait objet de visite post crédit. Lors de ces visites on constate parfois que les fonds n’ont pas été investis dans l’activité. Et quand il y a des impayés, immédiatement il faut qu’on descende sur le terrain pour voir ce qui s’est passé. Pendant les enquêtes, certains acteurs finissent par avouer la vérité.

Au nombre des innovations d’ACMA 2, il y a la finance digitale, parlez-nous en !

La finance digitale que nous appelons encore finance numérique c’est l’ensemble des services financiers que nous faisons grâce à nos téléphones portables. C’est-à-dire qu’à partir du téléphone portable on peut obtenir du crédit, faire de l’épargne, payer des services et bien d’autres choses. Aujourd’hui, une grande partie de la population a un petit téléphone  même si ce n’est pas un smartphone. C’est un canal important  qui va permettre d’accroitre l’inclusion financière des acteurs.

L’huile de palme exposé à une foire par les bénéficaires du programme ACMA2 Comment vos bénéficiaires apprécient cette innovation ? On a commencé à l’expérimenter récemment et nous les avons d’abord sensibilisés parce qu’il faut qu’ils comprennent pourquoi il faut qu’ils utilisent leurs téléphones pour faire des transactions. Et l’une des raisons est la sécurisation des transactions. Ils sont parfois à des lieux très distants du lieu de remboursement du crédit. L’agence peut être à des kilomètres du lieu où habite le bénéficiaire. Et chaque mois ou tous les trois ou six mois, celui-ci doit se déplacer pour effectuer des versements. Le fait d’avoir son téléphone permet simplement de bénéficier des services financiers partout où l’on se trouve. Et à partir de ce même téléphone on peut épargner, l’épargne étant une garantie financière importante qui favorise l’accès rapide au crédit. Aussi, quand un acteur a assez d’argent sur lui qu’il doit reverser dans une structure financière, si c’est juste sur son téléphone et que le téléphone se perd, il sait qu’il doit juste se rapprocher de son opérateur GSM pour récupérer ses fonds. Donc c’est ce travail de sensibilisation qui a été fait et ils sont en train de comprendre et de vivre les bienfaits de la finance digitale. Aujourd’hui on ne peut plus s’en passer. À quelle hauteur sont-ils engagés ? Nous avons prévu faire une étude sur cela à la fin de l’année pour voir ceux qui se sont vraiment fait enrôler, mais nous savons que les coopératives de femmes qui ont été sensibilisées ont déjà été enrôlées et font leurs opérations aisément rien que par là. Le seul hic aujourd’hui c’est de voir comment leur alléger les frais de transaction surtout quand il s’agit de retirer les fonds en espèce auprès des opérateurs GSM qui leurs appliquent les mêmes tarifs que pour les opérations ordinaires. Par contre  chaque opération du téléphone du bénéficiaire à son compte dans la structure financière est facturée à 200 FCFA  quel que soit le montant de la transaction, ce qui fait gagner du temps et donne la faciliter de rembourser le crédit quel que soit là où le client  se trouve et quel que soit le jour et l’heure. Où avez-vous déjà déroulé ces sensibilisations ? En juin passé, nous avons fait un grand atelier dans l’Ouémé et le Plateau et il y avait même l’expert en finance digitale l’Uncdf qui était présent. Il y avait également les groupements de femmes que Care Bénin-Togo encadre et bien d’autres structures d’appui qui vont servir de relai sur le terrain. L’Ouémé et le Plateau sont bouclés et on a essayé d’impliquer tous les PEA pour cet atelier. Il nous reste surtout l’étape du zou et de Collines qui sera programmé pour 2020. Quels sont les objectifs d’ACMA 2 en termes de facilitation de crédit avant la fin du programme ? En termes d’accès au financement, nous avons prévu faciliter 1.6 milliard de francs CFA. Et dans ce montant, il faut qu’il y ait de l’épargne à hauteur de 10 % qui appartiennent entièrement aux acteurs, soit 160 millions. Donc c’est un défi, et nous sommes presque sûrs de le relever vu qu’ à mi-parcours les objectifs sont atteints à 55%. J’ai foi qu’on va atteindre nos objectifs. Quelle leçon avez-vous retenue de l’accompagnement que vous donnez aux bénéficiaires pour accéder au financement jusqu’à ce jour ? Il faut dire que l’éducation financière outille les bénéficiaires de crédit, mais la mise en application pose problème. Et tant que les gens n’ont pas intégré qu’il faut mettre en application les leçons reçues, il y aura toujours des problèmes. L’autre chose c’est que les suivis pré et post crédits sont vraiment utiles pour les remboursements. Quand un bénéficiaire dit j’ai laissé une garantie, il est conscient que les garanties ne payent pas les crédits. C’est la moralité du bénéficiaire, sa capacité à gérer, la confiance qu’il inspire et la crédibilité dont il fait preuve qui influencent le remboursement de son crédit. Si j’ai quelque chose à dire aux structures financières, c’est de ne pas se fier aux garanties réelles parce qu’elles sont là, mais elles ne servent finalement à rien. Il suffit de travailler le bénéficiaire, de le sensibiliser et de lui montrer comment orienter ses financements, de lui montrer que quand il demande un crédit, il doit être en mesure de démontrer que c’est son réel besoin et qu’il maitrise son activité.. Quand on ne sait pas évaluer les besoins en financement, on  est prêt à prendre comme crédit n’importe quel montant. Ce qui peut  causer de réels problèmes d’impayés. Et si les institutions financières arrivent à comprendre cela, elles pourront limiter les casses en matière de remboursement de crédit car il est bien prouvé qu’il n’y a pas de mauvais payeurs mais plutôt de mauvais dossiers.

Propos recueillis par André Tokpon & Méchac Awokoloïto

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