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RADIUS, le projet qui veut libérer les champs béninois des intrants chimiques [Entretien]

Lancé au Bénin le 14 octobre 2025, le projet RADIUS œuvre à rapprocher chercheurs, formateurs et producteurs autour d’un même objectif : faire de l’agroécologie une réalité pour les exploitants béninois. À la tête de l’antenne régionale Sud de l’Institut de recherche sur le coton (IRC) et point focal du projet RADIUS au Bénin, le Dr Saturnin Azonkpin revient, dans cette interview accordée à Agratime, sur les ambitions de cette initiative régionale portée par le CORAF. Il évoque également les pistes explorées par l’IRC pour réduire la dépendance aux intrants chimiques et améliorer durablement la santé des sols.

 Agratime : Rappelez-nous les objectifs majeurs du projet Radius et ce qui justifie sa mise en œuvre.

Dr Saturnin AZONKPIN : Le projet RADIUS a pour objectif d’assurer durablement la sécurité et la souveraineté économique, alimentaire et nutritionnelle des populations via l’accompagnement de la transition agroécologique des exploitations agricoles d’Afrique de l’Ouest et du Sud, par la promotion des principes d’outils d’évaluation de connaissances et de solutions innovantes. Ce projet vise donc à mieux enraciner l’agroécologie à travers la formation académique, la formation des acteurs communautaires, et aussi l’utilisation des parcelles de démonstrations pour montrer de visu aux producteurs une autre façon de faire l’agriculture.

Le projet Radius a été initié parce qu’il y a des défis auxquels fait face le monde rural, notamment les agriculteurs. Il y a les perturbations climatiques qui créent de sérieuses difficultés, voire les baisses de rendement, de par la sécheresse qui empêche les producteurs de semer à temps et aussi empêche une bonne croissance de l’agriculture. En dehors de cela, le projet Radius a été élaboré pour contribuer à la mise à disposition de la population de l’Afrique de l’Ouest et du Centre des aliments sains, donc cultiver à partir de pratiques agroécologiques qui assurent la sécurité alimentaire et nutritionnelle de la population.

Quels sont les principaux axes d’intervention du projet au Bénin et quelles activités sont prévues ou sont déjà en cours ?

Le projet Radius a pour première composante la gestion des connaissances en agroécologie sur une plateforme d’échange unique accessible aux producteurs MITA. Il s’agit de recenser les connaissances, les pratiques agroécologiques, les technologies agroécologiques, les innovations agroécologiques, voire les documents réglementaires qui favorisent le déroulement de l’agroécologie au niveau de la population ouest-africaine. La deuxième composante permet d’exploiter cette panoplie de technologies et innovations identifiées pour renforcer la capacité des acteurs tant au niveau des universités, donc les enseignants et les étudiants, au niveau des lycées agricoles, les professeurs et les lycéens, et aussi au niveau des agents d’encadrement et des producteurs qui assurent la production alimentaire au Bénin. Et la troisième composante est pour la communication puisqu’il est constaté qu’il y a plusieurs innovations qui sont développées mais qui ne sont pas connues des utilisateurs. Donc tous les canaux de communication seront mis en contribution pour faire connaître ces innovations qui permettent à partir de l’agroécologie de faire une production durable des spéculations. La quatrième composante, c’est la coordination suivie évaluation qui est exécutée par le CORAF.

Dr Saturnin Azonkpin, point focal du projet RADIUS au Bénin

Au niveau du Bénin, spécialement, nous avons démarré avec la conduite des parcelles de démonstration et ces parcelles de démonstration sont installées sur six sites au Bénin. A partir de ces parcelles de démonstration, nous allons organiser des visites d’échange des enseignants, des étudiants et aussi des visites d’échange à l’endroit des producteurs pour aller voir comment se pratiquent ces technologies agroécologiques qui permettent une production durable. En dehors de cela, il y a en perspective des sessions de formation à organiser à l’endroit des agents d’encadrement et aussi des producteurs cette année pour leur permettre de s’approprier des innovations qui ont lieu en matière d’agroécologie au Bénin.  Il y aura des sessions de formation à l’endroit des agents d’encadrement et des producteurs. C’est vrai qu’il y a des encadrements de facilitation de stages de masters, donc des boosts de stages qui seront donnés. Mais comme l’année s’est écoulée, c’est reporté pour l’année prochaine.

Quel résultat ou changement attendez-vous à moyen terme tant pour les producteurs que pour les institutions de recherche comme l’IRC par exemple ?

Le premier résultat, c’est des technologies et des innovations qui seront recensées et qui vont permettre de booster la production agricole. En dehors de cela, de par les parcelles de démonstration, les enseignants et les étudiants vont mieux comprendre l’agroécologie, l’intérêt et les différentes technologies développées au niveau de l’agroécologie. Et au niveau des producteurs, de par les parcelles de démonstration également, nous allons susciter l’application et l’adoption de ces technologies agroécologiques pour leur permettre de faire une production durable et de produire des aliments sains pour la consommation de la population.

La filière coton est souvent critiquée pour sa forte dépendance aux intrants chimiques. Quelles pistes de recherche l’IRC explore aujourd’hui pour concilier performance économique et durabilité environnementales ?

Depuis quelques années, l’IRC a commencé à explorer plusieurs pistes de recherche qui vont permettre d’utiliser moins d’intrants chimiques et surtout les plus toxiques. Parce qu’au niveau des intrants, il y en a qui sont plus toxiques que d’autres. Donc l’IRC, en matière de protection phytosanitaire des cotonniers, s’investit à identifier des molécules qui sont moins toxiques et qui sont efficaces pour contrôler les ravageurs. Dans un second temps, il y a des biopesticides qui sont en expérimentation et il y a des programmes qui sont conçus pour associer demi dose de biopesticides et demi dose d’intrants et donc réduire la quantité d’intrants de synthèse, qui sont les pesticides chimiques, pour avoir une bonne production.

Et du côté de la fertilisation, il y a les amendements phosphocalciques qui sont venus booster un peu la production parce que les engrais chimiques qui étaient utilisés ont contribué à acidifier les terres. Par l’apport des engrais, qui sont des amendements phosphocalciques, on est arrivé à diminuer cette acidité et cela contribue à booster la production au niveau du bénin. En dehors de cela, au niveau de la recherche, il y a des variétés plus performantes et des variétés qui permettent de résister aux ravageurs et aux maladies ce qui nous permet d’utiliser moins d’intrants et moins de pesticides de synthèse pour être efficace.

Campagne cotonnière 2020-2021

Quelles sont aujourd’hui les principales contraintes liées à l’accès aux semences endogènes et fertilisantes, et quelles solutions l’IRC met-il en place pour y remédier ?

Au niveau de la mise en œuvre de l’agroécologie, actuellement l’IRC est en train d’associer les plantes fertilisantes qui sont des plantes graminées qui produisent beaucoup de biomasse comme le brachiaria et aussi des plantes légumineuses qui utilisent l’azote de l’air pour synthétiser de par leur nodule de l’azote qui enrichit le sol. Ce faisant, ces plantes contribuent à enrichir le sol en matières organiques et en éléments minéraux. L’IRC est en train de promouvoir cette association. Mais la disponibilité des semences de ces plantes fertilisantes se pose parce qu’au moment où on veut les utiliser, on n’en trouve pas parce qu’il n’y a pas une filière organisée où il y a des producteurs qui savent que dès qu’ils produisent, il y a un amont de gens qui vont s’en acquérir.

Donc en approche de solution, il y a cette chaîne semencière à installer pour qu’il existe des semences qui soient accessibles tant aux producteurs pour qu’ils puissent mettre en œuvre cette démarche agroécologique. En matière de transition agroécologique, il y a des plaidoyers qu’on doit faire à l’endroit des décideurs puisqu’au niveau institutionnel, il faudrait qu’on arrive à un moment donné où on facilite la tâche aux producteurs qui s’investissent dans agroécologie. Les producteurs de coton ont accès à des intrants à crédits. Mais les producteurs qui sont dans l’agroécologie, qui sont dans l’agriculture biologique par exemple, n’ont pas cet appui. Donc il y a des plaidoyers qui doivent aller à l’endroit des décideurs pour que le mécanisme qui est installé pour les cultures conventionnelles, pour qu’ils aient accès aux intrants à crédits, ce mécanisme soit également installé au niveau des producteurs qui s’investissent dans l’agroécologie, pour qu’ils aient accès à des biopesticides, à des engrais biologiques à crédits pour produire et rembourser après.

De l’autre côté, au niveau des semences, il y a un plaidoyer à faire également pour organiser une chaîne semencière au niveau de ces producteurs qui s’investissent dans l’agriculture biologique et aussi dans l’agroécologie pour qu’ils aient accès aux semences de qualité pour pouvoir faire une bonne production comme on le fait au niveau du conventionnel.

Propos recueillis par Auriol HOUDEGBE

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