Point de départ de la chaîne de production agricole, les semences influencent directement le rendement, la qualité des cultures et la durabilité de l’agriculture. Alors que l’industrie semencière mondiale se preoccupe de la sécurité alimentaire, l’Afrique attire de plus en plus l’attention des acteurs mondiaux du secteur comme étant, non seulement un potentiel marché, mais aussi l’avenir de l’agriculture durable. Au détour du Congrès international sur les semences à Istanbul en Turquie, Yacouba Diallo, secrétaire exécutif de l’African Seed Trade Association (AFSTA), revient sur les avancées, les défis réglementaires et les opportunités pour les petits producteurs et les investisseurs.
Du 19 au 21 mai 2025, des milliers d’acteurs de la chaîne de valeur semencière se sont retrouvés à Istanbul à l’occasion du Congrès international sur les semences, sur la thématique : « À la découverte d’horizons audacieux ». Ils ont notamment échangé sur les solutions innovantes face aux défis mondiaux de la disponibilité et de la performance des semences. Ces délégués ont passé en revue l’impact des changements climatiques sur la production semencière, les enjeux liés à la libre circulation des semences à l’échelle internationale, ainsi que les stratégies à adopter pour renforcer la sécurité alimentaire à long terme.
Un continent à fort potentiel de rendement
Si, au cours du congrès, l’Afrique n’a pas été au-devant de la scène, elle a néanmoins occupé une place centrale dans les échanges. Elle a été perçue par de nombreux participants comme un axe stratégique pour le développement agricole. « L’Afrique est de plus en plus sollicitée comme destination future de l’agriculture et du marché des semences. La demande est forte, les potentiels en termes de technologies et de marchés sont énormes, ainsi que les possibilités d’accroître la productivité. Il y a beaucoup de changements en cours actuellement au niveau du continent africain en termes d’amélioration des politiques et de la réglementation semencière, et aussi en termes de dynamisme et d’émergence du secteur privé », assure Yacouba Diallo le secrétaire exécutif de l’Association Africaine du Commerce des Semences (AFSTA).
Chaque année, plusieurs pays africains mettent sur le marché de nombreuses variétés améliorées. Le Kenya, l’Afrique du Sud, le Mali, le Nigeria, le Burkina Faso et le Sénégal sont autant de pays qui parviennent à homologuer de nombreuses variétés. Aujourd’hui à titre indicatif, le catalogue régional de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) comprend plus de 1.600 variétés même si le ‘’défi est de transférer cette recherche variétale aux petits producteurs’’. Les États ayant compris l’enjeu ont fait favoriser l’émergence d’un secteur privé ‘’dynamique’’ qui révèle peu à peu les technologies développées dans le domaine sur le continent.
Absence de réglementations hétérogènes et pouvoir d’achat limité
Prenant une part active dans cette nouvelle dynamique, l’Association Africaine du Commerce des Semences (AFSTA) travaille en coordination avec les différentes communautés pour non seulement vulgariser les technologies développées mais également pour lever les goulots d’étranglement qui freinent l’expansion du marché semencier en Afrique. « C’est à travers les associations nationales de commerce des semences, avec lesquelles nous travaillons, que nous permettons aux petits producteurs qui constituent la majorité des acteurs du secteur agricole africain d’avoir accès à des semences de qualité », a expliqué Yacouba Diallo avant de poursuivre : on a besoin de tous les apports nécessaires pour que les petits producteurs aient accès aux semences de qualité à un prix optimum. Il y a beaucoup de cas de succès. Aujourd’hui, les hybrides de maïs sont accessibles dans les villages les plus reculés du Kenya. Et les petits producteurs kenyans sont convaincus que chaque année, il faut aller au marché, acheter sa variété hybride de maïs, parce qu’ils ont connu la valeur et l’importance d’adopter cette meilleure variété .
Cependant, le manque de moyens financiers freine considérablement la vulgarisation de ces technologies variétales. Pour que ces semences soient accessibles au plus grand nombre, il faut un accompagnement coordonné des partenaires, des gouvernements et des acteurs privés, incluant des subventions ciblées. En effet, les petites exploitations agricoles représentent environ 80% de l’ensemble des superficies emblavées en Afrique subsaharienne. Face aux coûts parfois élevés des semences améliorées, l’AFSTA mise sur la formation, la sensibilisation et l’accompagnement des petits producteurs afin de disséminer les résultats des recherches.
« Quand on parle de qualité, il y a un coût. Mais la plupart du temps, nous essayons de faire comprendre aux producteurs agricoles que plus on utilise une variété améliorée et une semence de bonne qualité, plus on augmente sa productivité agricole et, en même temps, on peut compenser le coût de l’investissement […] Il faut aider, par exemple, les entreprises à avoir des boutiques de distribution dans les endroits les plus reculés, aider le producteur à optimiser le coût, peut-être pour un certain nombre d’années. Et si, par la suite, il comprend et parvient à construire lui-même son capital, il pourra, sans accompagnement, faire son choix », insiste Diallo.
Créer des ponts entre la recherche et les producteurs
Au-delà de cet appui financier, l’AFSTA s’investit pleinement dans la recherche agricole aux côtés de centres internationaux spécialisés. Deux programmes phares sont à signaler dans ce domaine, via des partenariats public-privé, pour faciliter la diffusion de technologies. L’organisation pilote l’African Consortium Breeding for Cereals and Legumes avec l’Institut international d’agriculture tropicale (IITA), qui diffuse des technologies via le programme Technologies pour la transformation de l’agriculture africaine (TAAT). Un autre consortium est en constitution pour valoriser les cultures maraîchères développées par la recherche avec le World Vegetable Center.
D’autres collaborations sont en cours de formalisation, notamment avec AfricaRice et l’Institut des Radio-Isotopes (IRI). Ces discussions visent à prendre en compte tout le continent. Yacouba Diallo encourage l’investissement, tant du privé que du public, dans le développement semencier pour faire progresser l’agriculture. « Il y a de la place pour tous, locaux comme internationaux. L’objectif est clair : permettre aux agriculteurs africains d’accéder aux meilleures technologies disponibles », insiste Diallo. En favorisant les échanges entre entreprises africaines et internationales, l’AFSTA entend démontrer que le business semencier en Afrique peut être rentable.
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